Arches : le hêtre dans tous ses états

Avec une « boîte » en hêtre installée à l’intérieur de l’ancienne mairie d’Arches (88), l’agence Haha a réussi à transformer ce bâtiment du 19e siècle en un nouvel équipement public, tout en réalisant une performante réhabilitation thermique. Baptisé « L’Hêtraie », le pôle socio-culturel explore tous les atouts de cette essence locale.

Situé sur la place de la mairie, ce bâtiment de taille modeste fait partie du patrimoine architectural d’Arches puisqu’il a abrité successivement l’école communale, puis la mairie. Depuis que cette dernière a été transférée dans les nouveaux locaux construits juste à côté, la commune a décidé de donner une nouvelle vie à ce lieu tout en conservant son caractère institutionnel. Dès le départ, le maître d’ouvrage a souhaité que la réhabilitation soit aussi l’occasion d’utiliser le hêtre, bien présent dans les forêts de la région. Dans sa proposition de projet pour le concours organisé par la mairie, l’agence Haha a décidé d’exploiter les capacités structurelles de cette essence en aménagement intérieur. Une démarche ambitieuse et originale qui a fait la différence.

L’aménagement intérieur se glisse au sein de la trame structurelle.
Photo : Matthieu Claudel

Le bois se cache pour mieux s’afficher

« Nous avons souhaité maintenir le plus possible l’aspect du bâtiment initial, expliquent les architectes. Le choix d’en préserver les façades permet de conserver son caractère et sa valeur patrimoniale. Nous avons agencé les éléments du programme dans un volume intérieur optimisé, performant et chaleureux au cœur de l’existant. » C’est la technique de « la boîte dans la boîte » qui a été utilisée pour créer une structure abritant plusieurs activés sur trois niveaux : médiathèque pour adultes au rez-de-chaussée ; médiathèque pour enfants et local associatif au R + 1 ; auditorium, salle de réception au R + 2. En compactant ainsi la surface du programme dans cet élément central à structure bois, l’agence Haha a gardé, d’un côté du bâtiment, l’escalier bois en place et a pu dégager, de l’autre, une travée complémentaire servant à accueillir un nouvel escalier, un ascenseur et une galerie d’exposition. Avec ces deux cages d’escalier, l’équipement a vu sa capacité d’accueil augmenter de 19 à 49 personnes.

 La façade du bâtiment a conservé son esthétique originelle et accueille des menuiseries extérieures en mélèze. Les anciens bardeaux bois sur le pignon sud ont été remplacés par un revêtement en Douglas.
Photo : Matthieu Claudel
La structure bois de trois niveaux est équipée d’un système d’isolation performant en laine de bois de différentes épaisseurs : 80 mm + 200 mm pour la toiture ; 48 mm + 160 mm pour les murs.
Photo : Matthieu Claudel

 

 

Le défi du lamellé-collé

En dessinant la « boîte », les architectes souhaitaient la réaliser en hêtre massif – l’essence est, depuis quelques années, caractérisée pour l’utilisation en structure et disponible en cette qualité auprès des scieries certifiées. Le plan de la médiathèque a été divisé en six afin d’installer tous les trois mètres des poteaux intermédiaires. Au départ, le projet prévoyait la création au niveau R + 1 d’un local associatif réversible en logement. Le changement de programme, avec la place plus importante dédiée à la médiathèque, a exigé la mise en place des éléments en lamellé-collé pour passer d’une charge d’exploitation de 150 kg/m2 à 500, et l’obtention d’un certificat sur la capacité portante du bois, réclamé par le bureau de contrôle. Pour l’obtenir, l’entreprise de charpente a dû assurer le pilotage de la fourniture de ce produit transformé : récupérer le bois chez les scieurs, trouver un prestataire pour le collage et réaliser des tests de résistance des poutres en hêtre lamellé-collé en partenariat avec CrittBois et le Laboratoire d’études et de recherche sur le matériau bois (Lermab) de l’université de Lorraine.

De la structure à la menuiserie

Avant que le montage de la structure bois de trois niveaux démarre, le bâtiment a été complètement évidé, devenant une sorte de coque en moellons. L’état de la charpente a permis de conserver la ferme existante et les pannes. Les entraits et les chevrons ont été remplacés. Ces derniers, en Douglas, sont laissés apparents et supportent des caissons de toiture composés de poutres en épicéa, d’une sous-face en OSB et de panneaux rigides de laine de bois en extérieur avec, à l’intérieur, la laine de bois insufflée. Le même isolant a été utilisé entre les montants des murs. La structure à poteau-poutre et l’ensemble de la menuiserie intérieure forment un ensemble structurel majoritairement en hêtre. « Le programme repose sur une idée constructive inhabituelle en inversant la hiérarchie entre bois dit “de structure“ et bois dit “de mobilier décoratif“, précise Julien Mussier, chef de projet. Nous voulions que le bois de la structure se développe en mobilier : dans les épaisseurs entre les poteaux, nous avons glissé des étagères qui divisent la trame structurelle. » Toutes les menuiseries intérieures – rangements, étagères, tables, tablettes, claustras… – ont été réalisées en hêtre à l’exception du claustra en épicéa qui délimite le nouvel escalier. Le maître d’ouvrage a permis aux architectes d’aller au bout du concept en leur confiant également la mission du mobilier.

Coupe verticale du bâtiment.
Doc. : Haha Atelier d’Architecture

Une rénovation thermique performante et cohérente

Grâce à la technique de la boîte dans la boîte, le noyau central fonctionnel génère des espaces de circulation, hors de l’enveloppe isolée, qui forment un sas thermique, où l’on découvre les murs en moellons de la bâtisse. La corrélation des matériaux biosourcés et géosourcés a permis de réaliser une rénovation thermique performante et cohérente, recherchée dès le départ. Le bâtiment a obtenu le label BBC-Effinergie Rénovation facteur 4, ce qui signifie que ses précédentes dépenses énergétiques ont été divisées par quatre.  

Anna Ader

Rencontre hêtre et pierre dans la nouvelle circulation verticale.
Photo : Matthieu Claudel
La banque d’accueil.
Photo : Matthieu Claudel
  • Maître d’ouvrage : Commune d’Arches (88)
  • Maître d’œuvre : Haha Atelier d’Architecture (88)
  • Entreprises bois : Il était un arbre (88), Menuiserie Vaxelaire (88)
  • Fournisseurs bois : scierie Bois Performance/AB Selection (88) ; scierie Duhoux (88) ; scierie Germain-Mougenot (88)
  • Essences utilisées : hêtre, épicéa, Douglas, mélèze
  • Surface : 230 m2
  • Coût du projet : 550 000 € HT

 

Cet article est extrait de Woodsurfer n°125 > Consulter la version numérique <