BIM : on progresse !

Le déploiement du numérique dans la filière du bâtiment est, depuis 2015, l’objet de différentes actions mises en place par les pouvoirs publics, d’abord, dans le cadre du Plan pour la transition numérique dans le bâtiment (PTNB), relayé, en 2018, par le Plan Bim 2022. Au bout de sept ans des travaux, le bilan présenté par la filière bois dans le cadre de ce travail participatif est plutôt positif.

 Habitués à travailler avec des outils numériques, les professionnels de la construction en bois s’adaptent rapidement aux exigences de la méthode Bim.
Photo : France Bois Forêt/Plan Rapproché

L’introduction de la maquette numérique dans le monde du bâtiment a considérablement changé les méthodes de travail de tous les intervenants de l’acte de construire. Si, pendant des décennies, les différents corps d’état avaient développé des solutions numériques qui leur étaient propres, l’arrivée du Bim les a contraints à structurer les données de façon à rendre le dialogue possible grâce aux formats d’échange compatibles. La filière bois a été parmi les premières à anticiper cette évolution en créant dès mars 2015 un groupe de travail spécial, qui fonctionne sous l’égide du comité stratégique de filière, dont les travaux sont financés conjointement par France Bois Forêt et le Codifab. La coordination technique de ses actions a été confiée à FCBA.

 La « bimisation » des parois systèmes du « Catalogue Bois Construction » a été la première étape vers l’intégration d’ouvrages en bois à la maquette numérique.
Doc. : GT Bim Bois

Un travail de fond…

Pendant sa première année d’existence, le GT Bim Bois a déterminé ce que la filière bois pouvait apporter collectivement au PTNB publié le 31 août 2015. L’enjeu était de définir les codes de constitution des dictionnaires d’objets en accord avec la norme XP P07-150, dite PPBIM (NDLR : « Propriétés des produits et systèmes utilisés en construction – Définition des propriétés, méthodologie de création et de gestion des propriétés dans un référentiel harmonisé »). La deuxième phase des travaux sur les dictionnaires d’objets numériques a commencé en 2017 avec l’action PO BIM orchestrée par l’Afnor. En l’espace de deux ans (2018-2019), le GT Bim CSF Bois a structuré une démarche consultative au sein même de la filière, de l’amont jusqu’à l’aval, en passant en revue toutes les parties d’ouvrages à base de bois dans le bâtiment ; façade à ossature bois, mur porteur à ossature bois, fenêtres, escaliers, bardages… Les dictionnaires des principaux ouvrages en bois ou à base de bois ont été conçus, validés et intégrés dans les livrables de l’action PO BIM Afnor, puis publiés dans le Catalogue Bois Construction (catalogue-bois-construction.fr) où a été créé un espace dédié au Bim. « Nous avons fourni une vingtaine de dictionnaires sur les principales parties d’ouvrages en bois, précise Serge Le Nevé, responsable équipe ingénierie, adjoint à la direction du pôle IB&C de FCBA. Forcément, dans ce processus, il y a eu des groupes transversaux multi-matériaux et nous avons veillé à ce que les choix faits soient compatibles avec les composants bois et les groupes spécifiques bois. C’est la première codification de structuration de dictionnaire reconnue dans le bâtiment en France. Elle constitue un socle de propositions pour la normalisation européenne sur le sujet. L’une des actions actuelles du Plan national Bim en cours est également d’exploiter ces acquis en tentant d’identifier un outil réceptacle de cette base de données, avec un modèle économique associé permettant d’en assurer la pérennisation et le développement au niveau national. »

 La Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques) a adopté la démarche Bim sur l’ensemble des projets construits dans le cadre des JO 2024. Ici, le chantier du centre aquatique olympique à Saint-Denis (93).
Photo : Mathis

… qui porte ses fruits…

La filière a fait le choix de rebondir concrètement sur ces acquis nationaux pour aller plus loin et développer des objets génériques Bim ayant une exploitabilité terrain effective. Il a donc été décidé par le comité de pilotage de cette action de :

  • 1. Codifier les solutions standards du Catalogue Bois Construction pour leur donner une existence numérique exploitable en approche Bim.
  • 2. Créer une API filière bois adossée au Catalogue Bois Construction permettant à tout éditeur de logiciel (métier par exemple) de s’approprier ces standards pour les exploiter directement (téléchargeable depuis le site Catalogue).
  • 3. Développer un plugin Revit Catalogue Bois Construction, permettant, au stade amont de la conception, de générer un projet sur la base des solutions techniques de la filière décrites dans le Catalogue. À noter que ce plugin fonctionne par le biais de configurateurs de solutions (personnalisés pour chaque partie d’ouvrage bois) dont l’utilisation est calquée sur la démarche multi-critères qu’adopte en permanence tout concepteur. Aujourd’hui, le module « parois à ossature bois » est totalement « bimisé », selon le principe décrit ci-dessus, et la filière termine les travaux sur les modules « bardages » et « parquets ». « En phase APS-APD, l’architecte peut importer via le plugin Revit des solutions sans rien dessiner et les injecter dans son projet, précise Serge Le Nevé. Cela peut même l’aider à concevoir le CCTP de marché de travaux. Il est probable que, l’année prochaine, nous puissions démarrer la “bimisation” du module “platelage extérieur bois”, sachant que la “bimisation” de solutions d’ITE pour la réhabilitation est déjà en commande dans le cadre du Plan Bois 
  • 4.  Chaque sujet est étudié par les organisations professionnelles représentatives, et FCBA, en tant que maître d’œuvre, travaille avec des partenaires spécialistes des API (interfaces de programmation applicatives) et de la programmation Revit. Un travail de longue haleine qui demandera encore beaucoup d’efforts. « Nous sommes sur un cycle d’investissements d’une dizaine d’années », estime Serge Le Nevé.

… dans un cadre global

Et la dimension « objets » n’est qu’une partie de la démarche Bim. Il faut aussi que les échanges d’informations entre les logiciels CFAO et les logiciels d’architecture soient fluides. Si, en Suisse, les maîtres d’œuvre travaillent principalement sur Archicad, en France, c’est Revit qui est le plus utilisé. Il est donc naturel que le GT Bim Bois ait opté pour le développement du plugin Revit pour le Catalogue Bois Construction. Étant donné que la norme IFC utilisée pour décrire, partager et échanger des informations dans OpenBim évolue, les éditeurs de logiciels doivent s’adapter aux nouvelles versions. Après avoir obtenu il y a quatre ans la certification IFC 2×3, Cadwork travaille actuellement sur IFC 4 qui reconnaît plus d’éléments en étendant le support au paramétrique et aux géométries. « Pour les éditeurs des logiciels CFAO, ce ne sont pas les pièces en 3D qui posent un problème, précise Yoann Quellien, P-DG de Cadwork 04. Nous faisons de la 3D depuis 25 ans. Le problème, c’est le traitement des données qui suit. Il s’agit de ne pas les perdre et de ne pas être obligé de les saisir tout le temps. Nous travaillons sur la certification IFC 4 pour être sûrs que tout est bien écrit et bien lu dans cette nouvelle version. » Sur le terrain, les projets ne sont pas forcément réalisés en entier avec un seul logiciel CFAO. Il arrive de plus en plus souvent que les entreprises travaillent avec au moins deux logiciels. Quid de l’interopérabilité ? « Cela se passe relativement bien, affirme Yoann Quellien. Il est possible de faire communiquer deux logiciels “concurrents”. Aujourd’hui, pour un constructeur bois  qu’il travaille avec Sema, Dietrich’s ou Cadwork , il est beaucoup plus facile de s’intégrer dans le process Bim. Tout se fait de façon automatique et intuitive. » Après les majors du BTP, qui ont été les premiers à adopter le Bim, les entreprises de taille moyenne suivent le mouvement. Et avec l’arrivée des grands chantiers des JO 2024, ce process est devenu quasi obligatoire pour tous les acteurs, y compris les entreprises de la construction en bois qui y interviennent en tant que sous-traitants. « Si, au départ, le passage au Bim faisait peur, aujourd’hui, les acteurs du secteur de la construction comprennent que cette façon de travailler comporte des parties qui sont très utiles et que tout est mis en place pour que ce process soit accessible au plus grand nombre d’intervenants », conclut notre interlocuteur.  

Anna Ader

 Le plugin Revit Catalogue Bois Construction fonctionnant par le biais de configurateurs permet, au stade amont de la conception, de générer un projet sur la base des solutions techniques de la filière recensées dans le catalogue. Après avoir finalisé le module « parois système », la filière termine actuellement les travaux sur les modules « bardages » et « parquets ».

Cet article est extrait de WoodSurfer 129 disponible sur calameo.