Parti architectural
Le nouveau centre aquatique de Saint-Denis est une ode à l’élégance et à l’innovation architecturale. Il a été conçu par les agences d’architecture Ateliers 2/3/4 et VenhoevenCS.

Photo : Salem Mostefaoui
Un bâtiment hors normes avec une conception biosourcée
La toiture concave du centre aquatique est tendue comme un immense voile sur la structure bois du bâtiment. Elle franchit les 90 mètres nécessaires pour l’accueil des spectateurs autour du bassin de compétition. Avec 5 000 m2 de panneaux photovoltaïques qui y sont installés, elle devient la plus grande ferme urbaine d’énergie solaire de l’Hexagone et répond à une partie des besoins en énergie de l’équipement. Le bois a été choisi tant pour son aspect écologique que pour sa simplicité et sa légèreté. Il a permis de concevoir un bâtiment compact, à faible emprise au sol, réduisant notamment les volumes d’air à chauffer et libérant autour une grande part d’espaces de pleine terre.
L’articulation des espaces entre eux et leur mise en relation font paraître plus grands les locaux et favorisent une intensité d’usages. Le bassin, au centre de l’édifice, est cadré sur trois côtés par les tribunes. Deux immenses tympans vitrés baignent les lieux de lumière naturelle et offrent à l’est une vue sur le Stade de France. En façade, des brise-soleil protègent les lieux de la lumière directe. À l’intérieur, matières et couleurs entrent en résonance sous cette fine vague de bois incurvée, soulignée par la lumière qui irrigue l’espace de toutes parts.
Situé à deux pas du Stade de France, lui faisant face depuis l’autre berge de l’autoroute A1, le nouveau centre aquatique de Saint-Denis est un des bâtiments phares des JO 2024 de Paris. En effet, l’équipement est la seule infrastructure sportive construite pour l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques, puis conservée en héritage sur le territoire. Érigé sur un ancien site industriel ayant appartenu à Gaz de France, il est relié au quartier du Stade de France par une passerelle. En phase dite « héritage », un parc arboré prendra la place des installations provisoires des JO. L’emplacement de la Plaine du Saulnier a été choisi pour sa situation stratégique.
Facilement accessible en voiture ou en transports en commun, le site se situe à proximité du village olympique et du nouveau quartier Pleyel en pleine mutation. La réalisation d’une liaison douce au-dessus de l’A1 va permettre de créer du lien entre deux quartiers qui ne faisaient que se toiser. En phase « olympique », le centre aquatique accueillera les compétitions de plongeon, de water-polo et de natation artistique. En phase « héritage », l’équipement deviendra un lieu de pratique du sport comme le paddle, le yoga, l’escalade, le foot à 5, et bien sûr la natation. Il pourra également accueillir ponctuellement des compétitions nationales et internationales comme les Championnats d’Europe de natation de 2026.

Le centre aquatique est ceint de brise-soleil.
Photo : Salem Mostefaoui

Vue depuis la passerelle.
Photo : Salem Mostefaoui
Un bassin sportif évolutif
Le bassin a été conçu pour s’adapter à des besoins très variés. Il est muni d’un fond et de deux quais mobiles qui permettent de le diviser en deux partitions aux dimensions variables. Pendant les Jeux olympiques et paralympiques, la plage de 9 mètres est réalisée par la mise en place d’une plateforme entre les deux quais mobiles. Cette grande modularité permet de mettre en place les trois aires de compétition pour la natation artistique, le plongeon et le water-polo tout en respectant les normes de la Fédération internationale de natation. Les tribunes sont également modulaires, permettant de passer d’une jauge de 5 000 à 2 500 places. Le second niveau accueille pour les JO des tribunes provisoires. En phase « héritage », elles seront remplacées par un espace d’activités sportives annexes.

Fauteuils en plastique recyclé.

Le bassin prêt pour les JO.
Le plastique recyclé trouve aussi sa place
Les sièges du centre aquatique ont été réalisés à partir de déchets de plastiques principalement issus de bouteilles de shampoing. Pas moins de 30 tonnes ont été nécessaires, dont 1 tonne environ issue d’une collecte citoyenne de bouchons de bouteille organisée par l’entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) Lemon Tri.
Pour apporter une touche de couleur aux fauteuils blancs, des bouchons de teintes jaunes et blanches ont été sélectionnés. Les sièges ont été fabriqués dans l’usine Le Pavé, basée à Aubervilliers. Les bouchons ont été broyés, chauffés, compressés et mélangés à du plastique recyclé, ceci sans aucun ajout de résine.

Plan du R + 1.
Doc. : Ateliers 2/3/4
Maîtrise d’ouvrage : Bouygues Bâtiment Île-de-France & Métropole du Grand Paris
Architecte & paysagiste : Ateliers 2/3/4
Architecte : VenhoevenCS
BET structure & façade : Schlaich Bergermann Partner
BET fluides : Inex BET
BET HQE : Inddigo
BET eau : Katene
Économiste : Mazet & Associés
Acousticien : Peutz
BET VRD : CL Infra
CSSI : CSD & Associés
Programme :
Surface : environ 20 000 m2
Franchissement : 106 x 20 m
Centre aquatique : 126 M€
Franchissement : 21 M€
Calendrier :
Études : 2018
Livraison JO : avril 2024
Livraison « héritage » : 2025
Étude et conception
Le projet de la toiture géante a été conçu par Schlaich Bergermann Partner (SBP) et le pôle scientifique et technique de Bouygues Bâtiment, accompagné par le bureau d’études intégré de l’entreprise Mathis.

Photo : Salem Mostefaoui
La toiture du centre aquatique de Saint-Denis rappelle l’espace couvert du pavillon portugais d’Álvaro Siza et Eduardo Souto de Moura construit pour l’Exposition spécialisée de Lisbonne de 1998. La structure est composée d’une fine couverture en béton suspendue à l’aide de câbles en acier pris entre deux culées en béton. Le système de catènes retenu pour la toiture du centre aquatique est en effet plus usuel en charpente métallique.
Ainsi, au-delà des dimensions exceptionnelles de l’ouvrage à réaliser en bois (près de 100 m par 100 m) ou de la forme courbe de la toiture, conditionnée notamment par la position du plongeoir et des tribunes, c’est l’application des schémas structurels de l’acier pour le bois qui est innovante.

Ferrure.
Doc. : Mathis

Structure de maintien des brise-soleil.
Doc : Schlaich Bergermann Partner
À la manière d’un hamac, les fines poutres dénommées « catènes », réalisées en BLC 550 x 210 mm et disposées tous les 1,05 m, sont mises en tension depuis un support. Celui-ci est une poutre à plat en BLC 450 x 1 500 mm, elle-même portée par 20 poteaux en bois inclinés vers l’extérieur pour contrer les efforts. Des tirants complètent le dispositif pour maintenir la toiture en tension.
Chaque poteau bois repose sur un poteau béton de 12 m enfoui dans le sol qui est lui-même repris sur un tripode en béton, ancré à 20 m. Le contreventement de la toiture dans son plan est assuré par des voliges de 40 mm d’épaisseur, clouées aux catènes et, pour contrer l’effort au vent, de croix de Saint-André en acier au droit des façades.
Les ferrures jouent un rôle primordial pour la tenue de la structure et la bonne circulation des efforts. Les catènes de 90 m de longueur sont reconstituées à l’aide de doubles ferrures en âme et de broches inox. En tête de poteau, une ferrure sur rotule permet de communiquer les efforts entre les catènes et les tirants, en passant par la poutre à plat.
Le poids de la couverture constituée d’une isolation en verre cellulaire, d’une membrane d’étanchéité et de 2 200 panneaux photovoltaïques participe au système structurel. Mais, avec ses 4 cm d’épaisseur, la toiture reste souple, pouvant se déformer de 30 cm. Cela pose un problème d’interface avec les éléments plus rigides comme les façades-rideaux. Aussi un système de chéneaux déformables a-t-il été imaginé pour que la toiture ne « s’appuie » pas sur les murs-rideaux.

Axonométrie sur la structure bois.
Doc. : Mathis
Réalisation
Le chantier de cette charpente hors normes a été réalisé par Mathis Construction Bois. L’entreprise du Bas-Rhin a accompagné Bouygues Construction en tant que sous-traitant.

Photo : Salem Mostefaoui
Les poutres en BLC des 91 catènes et les poteaux les supportant ont été produits dans les ateliers de l’entreprise. De 90 m de longueur et donc intransportables, les catènes ont été découpées en trois parties de 30 m chacune. Les pièces métalliques de haute précision que sont les tirants et les ferrures ont quant à elles été réalisées par l’entreprise Baudin Chateauneuf.

Pose des voliges.
Photo : Jean-Philippe Mesguen

Production des catènes chez Mathis.
Photo : Mathis
Pour la pose, un géomètre expert a accompagné les compagnons sur site pour assurer une précision de l’ordre du centimètre à l’ensemble des ouvrages de charpente bois. En effet, un décalage d’altimétrie de 1 cm entre deux tirants au sol pouvait créer en toiture des différences de niveau de 15 cm entre les catènes. L’interface avec le béton au niveau des boîtes de préscellement a notamment été contrôlée avant, pendant, et après les coulages des ouvrages. Les tirants ont été conçus pour permettre un petit ajustement de l’ensemble.
La pose des catènes à plus de 20 m de hauteur a mobilisé près de 30 charpentiers. Elle a demandé également une extrême précision et de la méthode, les 273 pièces qui composent les catènes étant toutes différentes. En phase de montage, les poutres des extrémités ont d’abord été posées et fixées aux poteaux à l’aide de deux fils de tours d’étaiement. Celles-ci supportaient des poutres en BLC qui formaient le négatif de la courbe de la toiture. La partie centrale est posée ensuite pour refermer la catène. La couverture en volige de 40 mm d’épaisseur a été posée en suivant.

Le cahier a été réalisé par Bastien Lechevalier, architecte DPLG.
Volume de bois
2 300 m3 de BLC pour les catènes et les poteaux
9 000 m2 de voliges 334 t de ferrures
3 400 m2 de murs à ossature bois
Logistique & délais
Durée du chantier : 7 mois
Matériel de levage utilisé sur le chantier : grue à tour, PPM
Études de conception : de mars 2021 à novembre 2022
Fabrication : de novembre 2021 à septembre 2022
Levage : d’avril 2022 à juillet 2023
Livraison du chantier : automne 2023
Entreprise
Charpente et ossature bois : Mathis Construction Bois (67)
Date de création : 1809
Dirigeant : Frank Mathis
Ingénieur chef de projet : Jean-Yves Baudry
Chef de chantier : Raphaël Nevalcoux
Cet article est extrait du numéro 136 du magazine WoodSurfer disponible sur Calameo.