Chantier bois de A à Z : Palazzo Meridia, Nice (06)

Chantier bois de A à Z : Palazzo Meridia, Nice (06)

Parti architectural

Le Palazzo Meridia, conçu par Architecturestudio pour le compte de Nexity, souligne le changement qui s’opère dans les constructions de moyenne hauteur. Le bois y trouve enfin sa place.

Architecturestudio/Antoine Duhamel

Architecturestudio, Antoine Duhamel

Vaste projet d’aménagement et d’urbanisme programmé sur environ trente ans, l’Éco-Vallée varoise vise principalement au développement économique de la Métropole Nice Côte d’Azur. Longtemps agricole, la plaine du Var a subi après-guerre un développement anarchique. Au début du 21ᵉ siècle, le besoin de restructurer cet espace devient pressant, notamment pour faire face aux défis environnementaux. Ainsi, en 2008, sous l’impulsion de Christian Estrosi, alors ministre délégué à l’Aménagement du territoire, l’État donne le statut d’Opération d’intérêt national aux 10 000 hectares de la plaine du Var (120 000 habitants, 15 communes), et un EPA (établissement public à caractère administratif) est créé. Celui-ci a la charge de mener à bien les nombreux projets et les opérations situés dans son périmètre. Parmi eux, la technopole urbaine Nice Méridia. Avec un premier secteur opérationnel de 24 hectares, elle a vocation à s’étendre sur 200 hectares. Elle sera dédiée aux activités liées aux technologies vertes, de la ville de demain et de la santé. Son concept, imaginé par l’architecte et urbaniste Christian Devillers, repose sur une volonté de mixité fonctionnelle, sociale et intergénérationnelle, en harmonie avec les valeurs fondamentales de l’Éco-Vallée. Nice Méridia sera un lieu d’innovation et de travail qui favorisera les échanges entre les entreprises, les centres de R&D et les écoles (université, Institut méditerranéen du risque, de l’environnement et du développement durable ou IMREDD, Polytech Nice Sophia, Campus régional de l’apprentissage porté par la CCI). Le futur quartier est structuré par deux axes : l’avenue Simone-Veil et l’avenue de l’Université. À leur carrefour, en tête de proue, le projet du Palazzo Meridia prend place.

Une structure arborescente. / Photo : Architecturestudio/Antoine Duhamel

Une structure arborescente. Photo : Architecturestudio/Antoine Duhamel

Circulation extérieure appropriable. / Photo : Architecturestudio/Antoine Duhamel

Circulation extérieure appropriable. Photo : Architecturestudio/Antoine Duhamel

La structure bois reste visible. / Photo : Architecturestudio/Antoine Duhamel

La structure bois reste visible. Photo : Architecturestudio/Antoine Duhamel

D’inspiration vénitienne

Cet immeuble tertiaire de huit niveaux fait suite aux nombreuses réalisations de Nexity et célèbre le 10 e et dernier anniversaire de l’entité. Haute de 35 m, cette construction est, à ce jour, le plus haut immeuble en bois de France. D’une densité exemplaire, il déploie 8 000 m² de bureaux sur une parcelle d’à peine 1 500 m². Conçu pour être évolutif, il anticipe ses mutations futures en favorisant les plateaux libres et s’autorise ainsi la possibilité d’accueillir des logements à terme. Uniquement contreventée par deux gaines d’ascenseur en béton armé, la structure en bois impacte très peu l’aménagement des plateaux, laissant une grande liberté de cloisonnement. Posée sur un socle en béton qui constitue le rez-de-chaussée, la structure bois est principalement composée de panneaux CLT, permettant ainsi de laisser visible le matériau en parois verticales et en plancher. Malgré sa grande hauteur, il n’est pourtant pas considéré comme un IGH, le sommet de l’immeuble étant coiffé d’une mezzanine qui fait culminer le dernier niveau à moins de 28 m. En effet, la réglementation française est aujourd’hui trop contraignante pour permettre le recours au bois dans ce cadre. En deuxième peau, un exosquelette métallique pare la construction d’une résille aux multiples fonctions. « Son motif fait référence aux palais vénitiens et, plus particulièrement, à la Ca’ d’Oro conçue par l’architecte Marco d’Amadio, et à sa façade gothique en pierre ciselée », précise Marc Lehmann, architecte en charge du projet chez Architecturestudio. Cette ombrière grimpante joue avec la lumière et imprime la façade d’un motif. Outre cette référence architecturale et son rôle esthétique, elle protège les bureaux aux heures les plus chaudes de la journée. L’exosquelette, polyvalent donc, supporte aussi les circulations qui ceinturent la construction et donnent accès aux escaliers. Dans les étages, il propose des espaces extérieurs où travailler et des jardins comestibles. Ces derniers, gérés par des agriculteurs locaux, font écho à l’histoire agricole de la vallée du Var. Mais avant tout, cettestructure arborescente externe joue un rôle clé : associée aux noyaux béton et à la souplesse du bois, elle renforce la stabilité générale du bâtiment dans une zone de sismicité 4, soit à risque moyen.

De fortes performances environnementales

Côté performance énergétique, le Palazzo Meridia est le premier bâtiment à énergie positive et bas-carbone (BBCA) dans le quartier Nice Méridia. Raccordé au Smart Grid mis en place à l’échelle de la technopole, il profite par ailleurs de la boucle géothermique d’eau tempérée sur nappe de la Zac Méridia qui permet son chauffage et son refroidissement par captage. La toiture accueille pour sa part 500 m2 de panneaux photovoltaïques. La production sera consommée par le bâtiment. Un dispositif assure la récupération de l’eau de pluie pour l’arrosage.

 

Un plan libre de toute contrainte. / Doc. : Architecturestudio

Un plan libre de toute contrainte.  Doc. : Architecturestudio

Intervenants

Maîtrise d’ouvrage : Nexity
Architectes : Architecturestudio (75)
BET structure : Elioth (93)
BET fluides : Egis Concept-Elioth
Acoustique et certification : QCS Services (13)
Paysagiste : Tangram Architectes

Programme

Surface : 7 900 m2
Garanties : labels BBCA 2018 neuf, phase conception niveau performance, Bâtiment biosourcé, Bepos Effinergie ; démarche
Bâtiment durable méditerranéen niveau argent ; certification Breeam In Use ; méthode Manag’r

Calendrier

Dépôt du permis de construire : novembre 2016
Démarrage des travaux : début 2018
Livraison : février 2020

 

 

Étude et conception

Photo : Architecturestudio/Antoine Duhamel

Étudiée en avant-projet par Elioth, filiale d’Egis, la charpente bois a été finalisée par CBT et CBS, entitées spécialisées dans l’étude des structures bois du groupe CBS-Lifteam.

Le Palazzo Meridia se situe en zone sismique 4, dite moyenne, impliquant de fortes contraintes au calcul de la structure. Une attention toute particulière a donc porté sur son contreventement, lequel est assuré à la fois par deux noyaux en béton armé qui abritent les circulations verticales et par un exosquelette en acier. Ce dernier supporte aussi les charges des balcons et des plantations. Pour des raisons architecturales, le CLT a été privilégié au-delà du rez-de-chaussée. Cette solution permet de donner à voir la partie bois de l’immeuble et d’économiser d’importantes surfaces de doublage. Des panneaux de 180 mm d’épaisseur sur 16,50 m de longueur, soit la largeur de la structure bois, composent tous les planchers au-dessus du R + 1. Ils reposent sur deux files intermédiaires de poteaux 400 x 400 et de poutres 320 x 480 et 400 x 600 qui réduisent la portée. Ainsi posés sur leurs quatre appuis et en mode hyperstatique, ils apportent une meilleure distribution des efforts, notamment horizontaux, liés aux séismes et permettent de diminuer la quantité de fixations parasismiques. Les planchers reçoivent ensuite une laine minérale, une chape fluide de 50 mm et un faux plancher bois avec plénum utilisable par les fluides. En façades, le CLT domine également. Afin de minimiser les transports sur chantier et d’économiser de la matière, celles- ci ont été conçues à partir de plusieurs éléments simples en CLT d’épaisseurs variables (de 160 mm au R + 1 à 120 mm au R + 7) et décomposées en poteaux et en poutres pour les linteaux des ouvertures. Les poteaux sont donc continus sur la hauteur de la construction pourassurer la descente de charge. Les linteaux sont, quant à eux, peu structurels. Seules les façades aveugles adossées à l’immeuble voisin sont conçues en montants ossature bois traditionnels 45 x 145.

 

 

Structure mixte bois et béton. Doc. : CBS-Lifteam

L’exosquelette métallique. Doc. : CBS-Lifteam

Les escaliers irriguent les coursives. / Photo : Hervé Fabre

Interface montants ossature bois et CLT Doc. : CBS-Lifteam

Coupe transversale. Doc. : Architecturestudio

Réalisation

C’est Lifteam, entreprise du groupe CBS-Lifteam, qui a eu la charge du montage de cet ouvrage de grande hauteur. Une première pour l’entreprise, le tout réalisé en un temps record.

Le site extrêmement exigu ne laisse que très peu d’espace au montage et ne se prête pas au stockage. Aussi les éléments de charpente bois sont-ils livrés en flux tendu par semi-remorque, déchargés dès leur arrivée puis montés. Pour cela, une grue à tour fixe dessert l’ensemble du chantier et assure leur mise en place rapide. Il a, malgré tout, fallu attendre la fin de la réalisation du lot gros œuvre béton pour en disposer à temps plein. Les panneaux de plancher font toute la largeur de la construction, ce qui permet de réduire les rotations de la grue. Avant leur mise en œuvre, ils ont été équipés d’un garde-corps de sécurité qui évitera d’éventuels accidents au moment de leur fixation. Les poutres BL-C, supports des planchers, sont produites par Cosylva. Afin de gagner du temps lors du montage, les connecteurs (Ricon S de Knapp) ont été posés en atelier. Dans le but de limiter les chutes résultant de la taille des panneaux de CLT
et d’optimiser leur transport, les façades disposant d’ouvertures ont été décomposées en simples panneaux rectangulaires qui constituent les poteaux et les poutres. Les façades de grandes longueurs ont ensuite été assemblées sur place à l’aide d’un gabarit, puis levées à la grue à tour grâce à un palonnier réalisé sur mesure afin de répartir les efforts dans l’ouvrage. Pour pouvoir utiliser des panneaux CLT en bois français, CBS-Lifteam a fait appel à l’usine de Schilliger Bois à Volgelsheim dans le Haut-Rhin, filiale de la société suisse Schilliger Holz.

Le cahier a été réalisé par Bastien Lechevalier, architecte DPLG

 

Cubages, surface et coût
Bois mis en œuvre 1 580 m3, soit 8 705 m2

  • Planchers CLT : 1 050 m3
  • Panneaux de façade CLT : 350 m3
  • Poteaux et poutres BL-C : 180 m3
  • Panneaux à ossature bois : 220 m2
  • Provenance du bois : Vosges (80 %), Allemagne (20 %)
  • Coût du bois : 1,8 million d’euros HT

Logistique et délais

  • Matériel de levage utilisé sur le chantier : grue à tour fixe
  • Durée de construction : environ 2 ans

Entreprise 

CBS-Lifteam

  • Date de création : 1991
  • Effectif : 120 personnes

Cet article est extrait du magazine N°117 de Wood Surfer < Découvrez le N°117 >