PARTI ARCHITECTURAL
La résidence Carmelha à Monaco incarne une architecture durable et innovante dans un environnement complexe. Livrée cet été, elle est l’œuvre de l’agence parisienne Bellecour Architectes.

Le projet de la résidence Carmelha répond à la vision du gouvernement monégasque, via la Mission pour la transition énergétique (MTE), de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de promouvoir les énergies renouvelables. Créée en 2016 sous l’impulsion de SAS le Prince souverain, la MTE a pour objectif de mobiliser l’ensemble de la communauté monégasque autour de la réduction des émissions directes de gaz à effet de serre, de favoriser la sobriété énergétique et de promouvoir la production locale d’énergie renouvelable. Carmelha s’inscrit dans ce cadre ambitieux et vise à incarner un exemple de construction écologique. Situé dans le quartier de La Rousse, avenue d’Italie, au nord-est de la Principauté, l’immeuble prend place sur une parcelle de 400 m2 où se trouvait à l’origine la Villa bleue, construite en 1923, et devenue Carmelha en 1947. Marqueur du faste de la Belle Époque, elle a été considérée comme un anachronisme urbain. Monaco manquant cruellement de logements, sa démolition a été décidée pour réaliser une résidence réservée exclusivement aux Monégasques.


Une conception écoresponsable
Cet immeuble d’habitation de 43 m de hauteur est constitué d’une structure 100 % bois, noyau et cage d’ascenseur inclus. L’utilisation de matériaux à faible empreinte carbone a été un impératif dès le départ. La structure porteuse en bois, les murs à ossature bois (Panobloc de Techniwood), et les matériaux certifiés PEFC/FSC contribuent à réduire l’impact environnemental global du projet. L’enveloppe du bâtiment combine une ossature bois et un bardage en profilés de zinc, assurant à la fois légèreté et performance thermique. L’ensemble est complété par des panneaux solaires photovoltaïques, ainsi qu’un espace en plein air pour les résidents. Grâce à une conception favorisant la ventilation naturelle, les logements bénéficient d’une double ou triple orientation, avec de grandes hauteurs sous plafond (minimum 2,70 m). Les terrasses sont généreuses, et les protections solaires efficaces, grâce à des volets coulissants et des stores en toile intégrés. Les matériaux bois apportent une touche esthétique et sensorielle, notamment dans les loggias, en offrant une expérience à la fois visuelle et olfactive.


Innovation
Carmelha adopte un mix énergétique innovant, incluant l’utilisation de l’énergie renouvelable (65 % ENR), la ventilation double flux avec récupération de chaleur, et un système de gestion technique du bâtiment. L’introduction d’un système de stockage énergétique permet de stocker l’excédent d’électricité produite par les panneaux solaires situés en toiture sous forme d’hydrogène pour une utilisation ultérieure, améliorant ainsi l’autonomie énergétique des parties communes. L’opération a pour objectif d’atteindre un niveau de performance environnementale élevé, comme en témoigne l’obtention du label Bâtiment durable méditerranéen de Monaco (BD2M), niveau Or, et de la certification Habitat HQE, niveau Exceptionnel 12 étoiles.

Les défis du chantier
Du fait de la densité urbaine de la Principauté, le chantier est un sujet très sensible. Construire sur un site restreint de 400 m2 en zone escarpée, sismique et en bord de mer a imposé des défis importants. La réponse a été l’adoption d’une filière sèche avec préfabrication des composants en usine, réduisant ainsi les nuisances sur site.
Le projet a fait appel au système Upbrella, en provenance du Québec, permettant de construire sans grue à tour. Celui-ci permet d’installer d’abord le toit et d’élever le bâtiment étage par étage à l’aide de vérins hydrauliques pour protéger et industrialiser la construction. Ce procédé réduit les nuisances sonores (mesuré à -20 dB), contrôle la poussière et assure un chantier sécurisé pour les compagnons, tout en permettant de gagner du temps.
ÉTUDE ET CONCEPTION
Le BET Egis avait la charge des études techniques au sein du groupement. C’est sa filiale Elioth, installée à Montreuil-sous-Bois, qui a conçu la structure bois.

À la manière d’un iceberg, l’immeuble Carmelha compte presque autant de niveaux en infrastructure béton qu’en superstructure bois. En effet, le bâtiment comprend 3 niveaux de sous-sol pris dans la roche et 4 niveaux adossés à la colline pour un total de 14 niveaux. Pour la partie bois, la structure poteau-poutre de l’immeuble est en BLC. Elle supporte les panneaux de CLT qui composent les planchers. Pour créer un appui aux panneaux, les poutres ont été profilées en L en périmétrie des planchers ou en T au centre. Dans la logique 100 % bois, le noyau « dur » qui comprend les escaliers et la gaine d’ascenseur a été réalisé avec des panneaux CLT de 9 m de longueur qui reprennent 3 niveaux d’un seul tenant. Les murs de façade font appel au concept Panobloc du groupe Techniwood. Ils comprennent des panneaux constitués d’un empilage de plis croisés à 90° et collés entre eux. Chaque pli est composé d’une alternance de lames de bois, de bandes de remplissage isolantes et d’une structure. Ces panneaux ont une haute tenue au feu et apportent un gain thermique de 30 % par rapport à un MOB, en supprimant notamment les ponts thermiques.


Particularité de la tenue au feu
À Monaco, la réglementation incendie est plus stricte qu’en France. Elle demande la mise en place d’une protection passive des constructions face au feu. Le sprinklage est donc interdit, imposant une limitation de la masse combustible. De plus, pour un immeuble de la même famille qu’en France, la structure doit être SF 1 h 30 au lieu de 1 h. Ainsi, par précaution, 2 plaques de plâtre BA25 ont été ajoutées au noyau de l’immeuble pour assurer la tenue au feu et la laine de roche a été préférée à des matériaux biosourcés. Le projet a également fait l’objet d’études poussées sur la réaction de la structure face aux sollicitations sismiques et à la réaction aux vents. Il a été mis en évidence que la sismicité était moins prédominante que les déplacements liés aux efforts du vent sur le bâtiment.
RÉALISATION
L’entreprise Simonin, spécialisée dans la conception et la fabrication de structures en BLC, a eu la charge macrolot structure bois et façade en association avec l’Entreprise monégasque de couverture (EMC).




Le groupement en charge des travaux a relevé le défi d’un chantier dans un site sensible sur un terrain exigu, sans espace extérieur et encaissé. Dès la passation du marché de conception-réalisation, il a proposé un système baptisé « Upbrella » qui a déjà fait ses preuves pour des bâtiments à structure métallique et béton. Le système est développé par l’entreprise québécoise 3L Innogenie. Le dispositif comprend une coque en ossature métallique habillée de polycarbonate qui encapsule le chantier. Ce parapluie permet de le mettre hors d’eau tout en limitant les émissions de poussière et les nuisances sonores. Équipé en périphérie de 12 vérins hydrauliques synchronisés d’une capacité de 32 t chacun, il sert également de moyen de levage, évitant le recours à une grue à tour. Un monorail périphérique avec palan permet la mise en place des panneaux MOB de façades depuis l’intérieur. Le dispositif a été mis en place dès le terrassement pour limiter les nuisances sonores produites par les brise-roche en action pour la réalisation de la fouille de 6 m de profondeur. Une fois les infrastructures réalisées, le premier plancher de 285 m2 en bois a été assemblé, puis suspendu à l’Upbrella. D’une capacité de levage de 250 t, celui-ci a levé l’ensemble de 3 m en 1 h à peine pour permettre la mise en place des poteaux et y connecter le plancher. Un étage mobilise 4 compagnons pendant deux semaines. L’étage terminé, le dispositif est remonté d’un niveau. Les panneaux de CLT, qui forment le noyau de l’immeuble faisant 9 m de hauteur, sont mis en œuvre tous les 3 étages. L’utilisation de l’assemblage Résix, système breveté par Simonin SAS, a permis de conférer une rigidité accrue à l’ensemble.
- Maîtrise d’ouvrage : Gouvernement Principauté de Monaco
- Maîtrise d’œuvre : Bellecour Architectes, mandataire en phase conception, Atelier Gabriel Viora en phase exécution
- Bureau tous corps d’état, OPC : Egis
- Structure bois : Elioth
- Acousticien : Acoustb
- QEB : Sowatt
- AMO environnement : Oasiis
- Programme Surfaces : 4 130 m2 SDP / parcelle de 400 m2
- Montant des travaux : 21 M€ HT
- Calendrier Commande : nov. 2017
- Permis de construire : nov. 2019
- Démarrage des travaux : janv. 2021
- Livraison : été 2024
Ce dossier a été réalisé par Bastien Lechevalier, architecte DPLG.
Cet article est extrait de Wood Surfer n°138, disponible en version numérique