Construire avec le bois français : une perspective viable ?

Construire avec le bois français : une perspective viable ?

Avec une nouvelle échéance de l’élection présidentielle, la filière bois se mobilise pour rappeler aux responsables politiques « l’importance du bois, matériau stratégique pour la France » et les « sensibiliser aux principaux enjeux auxquelles elle se trouve confrontée ». Un discours répété inlassablement depuis des années, qui, dans le contexte de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation environnementale, se veut plus incisif.

Le manifeste « Filière forêt-bois, enjeux et défis pour la souveraineté nationale » envoyé par les organisations professionnelles de la filière aux candidats à l’élection présidentielle de 2022 contient entre autres des propositions concernant le marché de la construction en bois, qui représente 50 % de la valeur ajoutée de la filière. Sans surprise, on y découvre que les fabricants ont encore et toujours besoin d’être accompagnés pour augmenter leur capacité industrielle et proposer des produits en bois transformés « compétitifs et innovants ». Force est de constater que les bois d’ingénierie continuent d’être le talon d’Achille dans l’offre nationale. On estime que seulement 20 % de produits de ce type mis en œuvre sur les chantiers de l’Hexagone proviennent des usines françaises.

Le nouveau siège de l’ONF à Maisons-Alfort. Le volume de bois utilisé pour la construction représente 2 170 m3 de produits finis, dont 84 % sont issus de forêts gérées par l’ONF. Projet : Vincent Lavergne Architecture et Urbanisme ; Atelier WOA.
Photo : ONF

Un bon début…

Un chiffre qui ne semble pas encore évoluer malgré quelques actions mises en place par le gouvernement, notamment 200 millions d’euros pour la forêt et le bois dans le cadre du plan France Relance. Sans oublier le Fonds bois et éco-matériaux lancé en décembre 2020 par Bpifrance, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, ainsi que les organisations professionnelles (L’Ameublement français et le Codifab). Doté de 70 millions, il a été augmenté à 80 millions en juin 2021 avec l’arrivée du groupe Eiffage parmi les souscripteurs. « Construire des villes et des infrastructures durables, parfaitement respectueuses des enjeux environnementaux, requiert un approvisionnement en matériaux renouvelables bas carbone, dont le bois et les matériaux biosourcés constituent la réserve principale, annonçait le groupe à l’occasion de cette action. Structurer ces filières en France permet de sécuriser cet approvisionnement, de mieux en maîtriser les impacts, notamment ceux liés au transport, et de créer des emplois dans les territoires de production. » Mais Eiffage n’est pas le seul grand groupe à soutenir la filière bois française et l’engagement peut prendre d’autres formes que le financement. Un mois plus tôt, en mai 2021, Bouygues Bâtiment France Europe signait un accord avec la Fédération nationale du bois et le label Bois de France. Le constructeur s’engageait à utiliser 30 % de bois de structure labellisé Bois de France sur ses projets dès 2021 pour arriver à 50 % à l’horizon de 2025.

Le développement de l’offre de bois d’ingénierie fabriqués en France figure parmi les priorités de la filière.
Photo : Mathis

… et cela continue

Certaines propositions formulées par la filière dans son manifeste ont trouvé des réponses concrètes dans les conclusions des Assises nationales de la forêt et du bois, achevées en mars 2022. Ainsi, il a été décidé de mettre en place un fonds d’adaptation stratégique au changement climatique (100 à 150 millions d’euros par an jusqu’en 2030), financé notamment par l’affectation d’une partie du produit des enchères des quotas carbone européennes. La simplification et l’élargissement du label Bas Carbone sont une autre initiative mise en avant « pour attirer davantage de fonds privés vers les forêts françaises et soutenir le renouvellement forestier ». L’investissement en faveur de la compétitivité des entreprises, avec au moins 400 millions d’euros du programme France 2030, a été une autre décision appréciée par les professionnels. « Les démarches en faveur de la recherche et de l’innovation permettront d’accélérer l’offre sur les nouveaux usages, de conquérir les marchés, et de mieux valoriser les ressources forestières, constate Frédéric Carteret, président de France Bois Industries. La filière industrielle du bois salue particulièrement l’investissement nouveau de 400 millions d’euros pour assurer l’innovation et la compétitivité ainsi que développer une industrie du bois souveraine. Les Assises constituent une étape encourageante. Nous resterons vigilants à la concrétisation de ces orientations et à la poursuite de l’accompagnement de la filière. » Parmi les actions qui doivent être amplifiées, on cite notamment la simplification et la baisse des charges en faveur de la compétitivité des entreprises – la proposition no 1 du manifeste.

 

 

RE 2020 : la filière dans les starting-blocks

Soutenir le développement de l’offre en bois français dans la commande publique fait aussi partie des 23 propositions formulées par la filière dans son manifeste. Depuis une dizaine d’années, les labels et les marques se multiplient pour valoriser le bois local, notamment dans ce secteur du marché : Bois des Alpes, Terres de Hêtre, Sélection Vosges, Bois de Chartreuse, Bois des territoires du Massif central… Rappelons-nous le programme « 100 constructions publiques en bois local », lancé en 2012 et terminé en 2016.

La France est le premier producteur européen de Douglas, une essence qui, par ses caractéristiques mécaniques, est parfaitement adaptée au marché de la construction.
Photo : F. Morlaix/France Douglas
 Adapter les forêts au changement climatique est une condition sine qua non pour assurer la pérennité de la ressource.
Photo : France Douglas

 

La création de la marque « Bois de France » en janvier 2020, à l’initiative de la Fédération nationale du bois, a été un point de départ pour une action à grande échelle, concernant les acteurs de l’ensemble du territoire. Le label s’appuie sur deux grands principes :

  • Des bois issus des forêts françaises certifiés PEFC ou FSC, ou récoltés en appliquant les principes du Règlement Bois de l’Union européenne.
  • Une transformation de ces bois à proximité de leur lieu de récolte sur le territoire national afin de limiter les transports et l’émission de GES. Les transformateurs du bois ont été parmi les premiers à s’engager dans cette démarche, mais le label concerne plusieurs intervenants du marché : entreprises de la construction ; architectes et bureaux d’études ; maîtres d’ouvrage ; négoces et distribution. Ils sont aujourd’hui plus d’une centaine.

 

 

 

Et le développement de la présence du bois français dans les constructions publiques figure parmi les premiers objectifs de la marque. Pour accompagner les maîtres d’ouvrage souhaitant construire en bois dans la passation et l’exécution de marchés publics, Bois de France a publié l’année dernière le « Guide pour un usage responsable du matériau bois dans la construction publique ». L’ouvrage s’appuie sur l’analyse du cycle de vie des produits afin d’optimiser l’empreinte carbone de la construction, tout en respectant parfaitement le code des marchés publics. Un outil indispensable pour traverser le dédale des exigences de la nouvelle réglementation environnementale RE 2020. Et un atout pour la filière face aux autres modes constructifs qui peinent à « verdir » leur image.

Anna Ader

 La filière dispose déjà de nombreux outils pour permettre aux intervenants de l’acte de construire de répondre aux exigences de la RE 2020.

Cet article est extrait de Woodsurfer n°125 > Consulter la version numérique <