Immeubles en bois : attentes et exigences

Depuis quelques années, les opérations multiétages à structure bois ont le vent en poupe. Le signe que ce mode constructif a fait un pas de géant sur le plan technique, et que les prescripteurs sont plus sensibles aux atouts de ce matériau. Bureaux, ERP, bâtiments résidentiels… Le bois prend de la hauteur même si les immeubles n’excèdent pas, en général, les cinq niveaux.

 Sensations, l’un des premiers projets démonstrateurs multiétages en bois. Livré en 2019, à Strasbourg, cet îlot résidentiel accueille 146 logements et culmine à 38 m de hauteur dans sa partie R+11. Structure en panneaux CLT (Lignatec KLH). Signé KOZ Architectes (75).
Photo : KOZ Architectes

Massification de l’utilisation du bois en construction, Immeubles à vivre en bois, Woodrise, architecture frugale, préfabrication, rapidité d’exécution, modularité, puits de carbone… On pourrait énumérer pendant des heures les actions, initiatives et arguments que la filière bois a déployés pour démontrer aux maîtres d’ouvrage les possibilités offertes par le matériau dans le cadre de projets multiétages. Et ce travail porte ses fruits. La création de l’association Adivbois, en 2014, a permis d’avancer dans le domaine réglementaire et technique. Il a fallu marquer les esprits avec des projets d’IGH en bois pour lancer toute une offensive, où les immeubles de taille moins importante apparaissent comme des solutions courantes. La multiplication de programmes intégrant le CLT a également joué un rôle important dans le développement de ce type de constructions. Autre accélérateur : le projet du Village des athlètes pour les J.O.P 2024. Un véritable laboratoire pour les solutions qui pourront, à l’avenir, être dupliquées sur d’autres chantiers.

Développer un immobilier bas carbone

Aujourd’hui, de nombreuses réalisations déjà livrées témoignent de la pertinence du bois dans le cadre de constructions multiétages : l’immeuble Pulse à Saint-Denis (93), le Palazzo Meridia à Nice (06), le siège social de l’Urssaf Ile-de-France à Paris (75), la tour Hypérion à Bordeaux (33), l’immeuble Sensations à Strasbourg… Ces bâtiments démonstrateurs ne sont que la partie visible de l’iceberg. En effet, sur le terrain, on recense quantité de projets moins médiatisés. On peut également noter que de plus en plus de promoteurs immobiliers portent un grand intérêt à la construction bas carbone, et donc forcément au bois : Icade, Nexity… Sans oublier Altarea, qui est devenu actionnaire unique de Woodeum, marque leader en France de l’immobilier résidentiel bas carbone en bois massif. « Acteur de premier plan sur le marché du logement bas carbone, Woodeum va venir compléter et enrichir l’offre résidentielle du groupe d’Altarea, déclare Jacques Ehrmann, son directeur général. Comme pour toutes ses marques, Altarea sera pour Woodeum, un véritable incubateur qui lui permettra d’accélérer son développement. Cette opération témoigne de notre ambition de développer un immobilier bas carbone et de répondre ainsi aux attentes des territoires comme des habitants. »

 Pulse, Saint-Denis (93). Cet immeuble de bureaux de 29 450 m2 SPD, livré en 2019, met en œuvre, sur huit niveaux, une structure hybride en bois et béton. L’opération a été réalisée pour le compte d’Icade Tertial (75). Projet : BFV Architectes (75).
Photo : Frédéric Delangle

Dans le labyrinthe de la réglementation incendie

La réglementation sécurité incendie, qui représente une difficulté dans les projets mettant en œuvre le bois, peut paraître encore plus contraignante dans le cas d’immeubles de plusieurs étages, notamment en ce qui concerne les façades. Et pourtant des solutions existent et sont même parfaitement référencées dans une Appréciation de laboratoire « Bois construction et propagation du feu par les façades », réalisée par le CSTB et FCBA (voir le cahier technique Catalogue Bois Construction, p. 44). Si l’on attend toujours la révision de la réglementation sécurité incendie des constructions bois – elle devait être mise en place avant l’entrée en vigueur de la RE2020 –, certains industriels, qu’ils soient fabricants d’éléments bois, d’isolants ou encore d’assemblages…), affichent d’ores et déjà la volonté de vouloir accompagner les porteurs de projets dans le labyrinthe de ces exigences. Cela passe notamment par la publication de guides de préconisations… Silverwood, marque du Groupe ISB, a ainsi sorti, l’année dernière, la brochure « Solutions feu : systèmes et produits ». Pour Manel Cheour Eon, directrice Marketing & Innovation du Groupe ISB, cette démarche se devait d’être surtout pédagogique : « La réglementation incendie est complexe et toujours en mouvement. Nous avons souhaité aider les prescripteurs et constructeurs dans leurs choix en partant de leurs besoins : identifier d’abord le type de bâtiment (résidentiel, ERP…) pour ensuite énumérer les exigences de la réglementation incendie qui le concernent. Il ne s’agit pas de placer à tout prix des produits hyperperformants partout, mais plutôt de retenir la bonne solution qui correspond au niveau d’exigences de sécurité incendie du bâtiment en question. Cette synthèse en quelques pages aide le prescripteur à se positionner rapidement sur telle ou telle famille de solutions, sans avoir à étudier en détail tous les textes réglementaires à ce stade. Et c’est cette facilité qui est appréciée par nos clients. »

Palazzo Meridia à Nice (06). Dessiné par Architecture Studio pour le compte de Nexity Ywood et livré en 2020, cet immeuble de bureaux s’élève à 35 m de hauteur et met en œuvre 1 580 m3 de bois : planchers et panneaux de façade en CLT (Schilliger), poteaux et poutres BLC, et panneaux à ossature bois.
Photo : Antoine Duhamel Photography
 Outre les poutres BL-C et les planchers CLT de la structure, le bois s’affiche à l’intérieur de l’immeuble Pulse, avec 58 km de tasseaux en sapin du Nord et Yellow Pine, fournis par Silverwood.
Photo : Frédéric Delangle

Simple, rapide et précis

La possibilité de préfabrication en atelier constitue sans aucun doute l’un des arguments les plus forts en faveur de la construction bois. Le hors site est devenu un mode opératoire presque systématique dans différents contextes, permettant de raccourcir la durée de chantier et de réduire ses nuisances. Un dernier atout essentiel en ville, où l’on doit gérer des opérations situées parfois à proximité immédiate d’autres immeubles. Selon Manel Cheour Eon, ce procédé va se développer : « Pour la partie structure, la tendance hors site est bien ancrée depuis plusieurs années. En parallèle, les enjeux liés aux performances de l’enveloppe du bâtiment accélèrent aussi cette tendance au niveau des façades ossatures, avec des systèmes complets intégrant isolation et vêtures. » Le passage de la préfabrication 2D à la 3D n’est pas une chose facile mais selon les spécialistes, ce procédé industriel est parfaitement adapté aux constructions multiétages : logements collectifs, hôtellerie, bureaux… La construction bois est donc bien placée pour répondre à pratiquement toutes les attentes des prescripteurs à l’ère où les chantiers doivent se faire dans des délais courts, tout en permettant d’obtenir des réalisations qui correspondent aux exigences de la RE 2020. Et la règle s’applique également aux immeubles multiétages.  

Anna Ader

Photo : Nicolas Borel

Cet article est extrait du magazine WoodSurfer n°131 disponible sur Calameo.