Les défis de la RE 2020

Annoncée comme un formidable accélérateur de développement pour le secteur de la construction bois, la RE 2020 oblige l’ensemble des acteurs de la chaîne de production d’un bâtiment à s’adapter à de nouvelles règles du jeu. Si le matériau bois n’est qu’un des éléments de la construction durable, il est à la base de nouvelles alliances et cela dans différents segments de ce marché en plein essor.

En vigueur à partir du 1er janvier 2022 pour les bâtiments à usage d’habitation, la RE 2020 sera élargie progressivement aux autres types de constructions – bureaux et bâtiments d’enseignement dès le 1er juillet 2022, puis au reste du secteur dès le 1er janvier 2023. La nouvelle réglementation cible trois objectifs principaux : encourager la sobriété et l’efficacité énergétique ; diminuer l’impact carbone sur le cycle de vie des bâtiments neufs en incitant à recourir plus fortement aux énergies renouvelables et aux matériaux biosourcés ; garantir la fraîcheur des bâtiments en cas de forte chaleur.

Le bois trouve sa place dans de nombreux projets de transformation urbaine. Ici, construction de logements sociaux en ossature bois, îlot Jaurès, Paris 19e. Architectes : archi5 (93).
Photo : archi5
La chimie verte s’invite même dans les formulations de produits de traitement ignifuge. 
Photo : Adkalis

Calculer les émissions de gaz à effet de serre

Pour répondre aux exigences de la RE 2020, le bois ne bénéficie pas d’un statut spécial, malgré ses propriétés qui paraissent évidentes. Comme les autres produits de construction, ceux qui sont réalisés à base de bois doivent prouver leurs performances environnementales au travers de FDES (Fiches de déclaration environnementale et sanitaire) détaillées. Ces dernières, devenues obligatoires pour toute construction neuve à partir du 1er janvier 2022, présentent de façon synthétique les résultats de l’Analyse de cycle de vie d’un produit pour toutes les phases de sa vie (production, transport, mise en œuvre, vie en œuvre, fin de vie). Afin de réduire le coût de ces FDES pour les entreprises, la Fédération nationale du bois a réalisé des FDES collectives pour les produits de construction en bois fabriqués en France. Depuis l’année dernière, les fabricants français disposent également d’un nouvel outil de configuration – DE-boisdefrance.fr – qui leur permet de personnaliser les FDES collectives aux données d’un chantier en précisant l’essence, les dimensions, le traitement et les finitions, le type de pose, la distance entre l’atelier et le chantier. Une autre fonctionnalité apportée par ce configurateur permet d’individualiser les FDES collectives aux données d’un industriel ou scieur de seconde transformation. L’outil a été développé avec l’expertise d’Esteana, bureau d’études spécialiste de la construction et de l’environnement.

Le biosourcé gagne du terrain

Plébiscités par la nouvelle réglementation environnementale, les matériaux biosourcés font leur apparition chez tous les fabricants de solutions pour le bâtiment qu’il s’agisse de la structure, de l’isolation ou de la finition. Le groupe Blanchon, engagé dans ce domaine depuis 2009, a lancé en 2021 une gamme complète de produits biosourcés « 2e génération ». Adkalis (groupe Berkem), spécialiste de la chimie végétale et de solutions biosourcées de protection du matériau bois, innove pour sa part en proposant un système industriel ignifuge écologique (en phase aqueuse et sans COV) adapté à un usage intérieur et extérieur (bardages). Chez Weber, la question environnementale est traitée sous plusieurs angles et cela commence par le choix de l’électricité verte pour les sites de production, la diminution de matières premières non renouvelables dans les formulations ainsi que la réduction et la valorisation des déchets. Outre cette démarche éco-engagée, l’industriel travaille également à l’échelle des systèmes constructifs en développant depuis quelques années des solutions ITE + enduit adaptées à la construction ossature bois – webertherm XM. Deux d’entre elles intègrent des isolants biosourcés : liège et fibres de bois. Weber a également participé, aux côtés de Woodeum, à l’obtention des Atex pour l’isolation des bâtiments en CLT. Actuellement, il est engagé avec deux autres sociétés du groupe Saint-Gobain (Placo et Isover) ainsi que la société Mathis dans un projet de développement de solutions associant les matériaux biosourcés (parmi lesquels le bois) et des matériaux traditionnels. Depuis début mai, l’industriel a, par ailleurs, élargi son offre biosourcée au béton de chanvre (mélange de chanvre, de chaux et d’eau). Ce matériau de remplissage s’utilise notamment dans les systèmes poteaux-poutres, qu’ils soient en béton ou en bois.

Les matériaux biosourcés au bilan carbone positif, comme le liège, font partie de nouvelles solutions ITE + enduit proposées pour la construction à ossature bois.
Photo : Weber
 L’utilisation des feuillus dans la structure fait partie des expérimentations menées depuis quelques années sur différents chantiers. Ici, un système constructif lamellé-collé structurel en hêtre, mis en œuvre dans le cadre d’un projet tertiaire construit par Bouygues Bâtiment France Europe et Manubois dans le quartier L’éveil de Flaubert à Rouen.
Photo : Manubois
 L’école des Collines à Miribel (26), Design & Architecture et Nama Architecture : association de la technique du mur en pisé, du bois massif et d’un manteau isolant caisson bois et paille en façade et en toiture.
Photo : Nama Architecture

Côté ressources

L’exploitation intelligente des ressources est au cœur de la réflexion des intervenants du secteur de la construction. En 2021, avant l’entrée en vigueur de la RE 2020, Le Hub des prescripteurs bas carbone* a mené une étude pour identifier les leviers de décarbonation possibles et évaluer leur incidence économique. Sans surprise, le rapport a mis en évidence le fait que les biosourcés étaient « champions du bas carbone par effet de substitution ». En recourant aux biosourcés, on utilise moins de matériaux énergivores et d’énergies fossiles. Un autre bénéfice : la séquestration temporaire de carbone. Néanmoins, le hub précise que « l’impact des matériaux biosourcés sur les puits de carbone varie en fonction de la gestion de la ressource, de la durée de vie des matériaux et de l’horizon temporel étudié ». Si la disponibilité des ressources en fibres végétales est jugée suffisante par les auteurs du rapport pour faire face à une hausse significative de la demande, du côté de la filière bois, les experts relèvent que l’enjeu principal est « l’articulation entre les acteurs de la première et de la deuxième transformation pour un approvisionnement dans de bonnes conditions sur le territoire français (coûts, qualité et délais). L’augmentation des demandes en bois d’œuvre est également susceptible de poser des problèmes de disponibilité de la ressource. Pour limiter les importations et valoriser les ressources françaises, la filière pourrait se structurer autour du bois feuillu en complément du bois résineux, et les prescripteurs devront s’orienter vers ces essences ».

Anna Ader

 

Cet article est extrait de Woodsurfer n°126 > Consulter la version numérique <