Londres : défi bas carbone pour un immeuble de bureaux

Avec sa structure 100 % bois culminant à 17,8 m, The Black & White Building, inauguré en janvier dernier, est le plus haut immeuble de bureaux en bois à Londres. Projet de l’agence Waugh Thistleton Architects (WTA), le bâtiment explore tous les atouts du matériau aussi bien au niveau structurel que du bilan carbone.

Composé de deux blocs (R+5 et R+6), The Black & White Building est le plus haut immeuble de bureaux à ossature bois de Londres. Photo : Ed Reeve

Situé dans le Shoreditch, un quartier de l’est de la capitale du Royaume-Uni, l’immeuble, dont la surface dépasse 4 480 m2, a été construit sur une parcelle exiguë, entourée par des bâtiments existants, à la place d’une ancienne manufacture qui avait été démolie. Un défi pour les architectes. La partie avant présente un décrochement pour faire entrer la lumière dans les étages inférieurs côté ouest et compte cinq étages alors que la partie arrière de six étages occupe toute la largeur de la parcelle. Un sous-sol d’un niveau a été ajouté pour obtenir plus d’espace. Structure hybride Dans ce quartier proche de la City où la valeur locative est élevée, il fallait mettre au point une structure porteuse à la fois résistante et peu encombrante pour obtenir le maximum de superficie pour les bureaux. Les architectes ont opté pour une structure hybride associant un système poteau-poutre en lamibois de hêtre (Baubuche de Pollmeier) avec des panneaux CLT en épicéa (Züblin Timber). Le projet a utilisé un total de 1 330 m3 de bois résineux et feuillus, soit 1 774 arbres récoltés dans des forêts certifiées en Autriche et en Allemagne. Selon Toby Ronalds, ingénieur structure au sein du bureau d’études londonien Eckersley O’Callaghan en charge de ce projet, le lamibois Baubuche est presque trois fois plus résistant que le bois lamellé-collé, en compression et en flexion, car le hêtre est plus dense et sa composition en fines couches permet de créer un produit plus solide. Cette caractéristique a permis de gagner à la fois de l’espace et de la hauteur sous plafond. En effet, l’épaisseur des poteaux est de 350 mm alors qu’elle serait de 450 mm pour la version en bois lamellé-collé. Les poutres quant à elles ont 650 mm d’épaisseur contre 850 mm qui seraient nécessaires en lamellé-collé. Les poutres sont partiellement encastrées dans les dalles de plancher en CLT d’une épaisseur de 220 mm, avec jusqu’à 80 mm de la poutre dépassant la dalle que vient recouvrir le plancher surélevé. De cette façon, la partie apparente de la poutre sous la dalle n’est que de 350 mm contre 550 mm qui seraient nécessaires en lamellé-collé. « Visuellement, compte tenu de la hauteur de l’immeuble, l’ossature bois semble assez fine et se rapproche d’une structure en acier, mais l’ensemble du bâtiment est plus léger qu’une structure métallique avec des planchers béton », précise Toby Ronalds. Tous les éléments de l’ossature ont été préfabriqués en atelier et assemblés sur site en 16 semaines par une équipe de 6 à 8 personnes, en fonction des phases du chantier. « Par rapport aux techniques traditionnelles de construction, nous avons gagné entre 4 et 6 mois, explique l’architecte Andrew Waugh. Tout a été conçu pour que le bâtiment puisse être démonté en fin de vie plutôt que démoli. »

L’utilisation du système poteau-poutre en lamibois de hêtre a permis d’optimiser les espaces à l’intérieur du bâtiment. Photo : Ed Reeve

Garder le contrôle

Les façades vitrées ont été équipées de brise-soleil en lames de tulipier d’Amérique thermotraité. Celles-ci changent de profondeur au fur et à mesure que l’on monte dans les étages, afin de réduire de manière passive les apports solaires et d’optimiser le flux de lumière naturelle et de chaleur dans les espaces de travail, ce qui réduit instantanément l’empreinte carbone du bâtiment. Après avoir analysé le schéma de trajectoire du soleil, les architectes ont décidé de poser les brise-soleil verticalement sur les façades ouest et horizontalement sur la façade sud. Ce dispositif minimise également l’usage du verre de contrôle solaire non recyclable au niveau des ouvertures, ce qui facilitera la valorisation des vitrages en fin de vie. L’emploi du tulipier modifié thermiquement est également une innovation pour un bâtiment de cette échelle. L’essence est disponible en lames de grandes dimensions. Après le traitement thermique, ce bois peut être scié et usiné facilement, ce qui permet de couper des sections avec précision. Pour The Black & White Building, les architectes ont choisi une finition lisse qui ne nécessite pas de ponçage, de traitement ou d’entretien. Par ailleurs, une fois traité thermiquement, le tulipier offre une grande stabilité dimensionnelle en application extérieure. Dans le cadre de ce projet, le fournisseur du bois – The American Hardwood Export Council (AHEC) – a effectué des essais de comportement et de réaction au feu qui ont démontré que le tulipier modifié thermiquement peut recevoir un traitement ignifuge afin d’obtenir le classement exigé par la réglementation incendie pour un bâtiment multiétage (3e famille).

L’analyse du cycle de vie de l’immeuble a démontré que l’utilisation de bois de structure plutôt que de béton a réduit les émissions de CO2 de 37 % par rapport à une construction traditionnelle équivalente. Photo : Ed Reeve

Bâtiment manifeste

Le choix de la structure bois peu encombrante et proposant de grandes portées a permis d’aménager à l’intérieur de l’immeuble de grands plateaux open space facilement modulables. Le studio de design Daytrip a divisé l’espace en 28 bureaux de différentes tailles, 6 salles de réunion, des zones de détente, un studio de yoga… Le bois est également omniprésent dans l’agencement et le mobilier de bureau. Le toit du bâtiment est équipé de 80 panneaux photovoltaïques pour alimenter en énergie les bureaux ainsi que d’un éclairage zénithal pour optimiser l’apport de lumière naturelle à l’intérieur. L’agence WTA vise une certification BREEAM Outstanding. « Aujourd’hui, il existe peu d’immeubles à ossature bois dans le centre de Londres, déclare Andrew Waugh. Cette réalisation envoie un message fort au secteur du bâtiment en démontrant qu’il existe des alternatives viables à l’utilisation massive de béton et d’acier. »

L’ensemble du bâtiment est habillé de brise-soleil en tulipier d’Amérique thermotraité, réalisés en six épaisseurs différentes. Photo : Ed Reeve
L’analyse du cycle de vie de l’immeuble a démontré que l’utilisation de bois de structure plutôt que de béton a réduit les émissions de CO2 de 37 % par rapport à une construction traditionnelle équivalente. Photo : Ed Reeve
Des encoches prédécoupées dans le LVL de hêtre ont facilité le passage des réseaux ce qui a permis d’augmenter la hauteur sous plafond. Photo : WTA

Maîtrise d’ouvrage : The Office Group (TOG)

Maîtrise d’œuvre : Waugh Thistleton Architects (WTA)

BET Structure bois : Eckersley O’Callaghan

Début de la construction : 2017

Livraison : janvier 2023


Cet article est extrait de Wood Surfer n°130 > Découvrir le numéro en intégralité <