Réhabitlitation/restructuration du siège de Michelin à Clermont-Ferrand. Agence d'architecture Encore Heureux. Tout droits réservés.

Michelin transforme son siège social

Le géant français du pneu Michelin, incarné par son personnage Bibendum (1892) qui a fait le tour du monde, vit depuis quelques années une période de mutation profonde de son activité industrielle et tertiaire. Toujours implanté au cœur de Clermont-Ferrand, son siège social historique a été restructuré et agrandi d’une entité d’accueil pour mieux s’adapter aux changements sociétaux en cours et à venir.

En 1891, les frères André et Édouard Michelin fondent leur première manufacture de caoutchouc, avec un siège social qui prend place sur le site des Carmes, au centre de Clermont-Ferrand. Ce bâtiment abrite toujours le siège de Michelin et les directions opérationnelles mondiales qui communiquent avec les 18 pays où sont installés 69 sites de production de pneus, et les 170 nations dotées d’une présence commerciale de l’entreprise. Sujette à de multiples innovations, l’usine Michelin connaît un développement tel qu’elle va s’agrandir, dès 1921, à plusieurs reprises, en périphérie de la capitale auvergnate, jusqu’à compter sept lieux distincts. À la fin des années 1990, l’entreprise entame une mutation décisive, où son ancien site industriel devient surtout tertiaire et consolide, par là même, son statut de siège social. Depuis plusieurs années, le groupe Michelin mène une démarche novatrice de transformation de ce lieu historique et de son ouverture sur la ville. En 2012, il lance un concours d’architecture pour le réaménagement de la place des Carmes et la transformation de son siège. En 2014, le lauréat du concours est le groupement d’architectes formé de l’agence d’architecture Construire (mandataire) missionnée pour gérer le schéma directeur et l’ensemble du projet, et de l’agence Encore Heureux (associé) chargée de la restructuration du bâtiment de Michelin et du parvis, la requalification de la place des Carmes étant confiée à l’agence Base.

La canopée en épicéa de la façade principale du nouvel accueil du siège de Michelin est composée de portiques et d’auvents qui fédèrent les bâtiments existants.
Photo : Michelin 2021-Cyrus Cornut

Espaces partagés évolutifs

« Le groupe Michelin souhaitait moderniser le site, l’adapter en termes de fonctionnalité et de services, et corriger un déficit d’image que renvoyait l’existant et son environnement pour recréer un siège social en cohérence avec son rayonnement mondial. Il s’agissait de mener à bien une opération de recomposition architecturale, technique, urbaine et environnementale sur un site occupé d’une haute complexité », relatent les architectes de l’agence Encore Heureux. Si les travaux ont démarré en juin 2018, la livraison intégrale a eu lieu en septembre 2021. L’objectif du projet architectural est de créer un ensemble homogène et cohérent qui unifie l’aspect disparate de l’existant. Destiné à 3 500 collaborateurs, le nouveau bâtiment d’accueil présente, au rez-de-chaussée, un accès principal qui, inséré dans l’angle des deux ailes bâties, donne sur un hall à double hauteur. De part et d’autre de ce dernier, se déploient un showroom agrémenté d’une mezzanine et d’une boutique, des salons et la serre existante, ainsi que des espaces collaboratifs ouverts pouvant évoluer dans le temps, en fonction des besoins fluctuants des usagers. Cette flexibilité, revendiquée par Michelin, doit inciter de nouvelles formes d’organisation du travail se basant sur une synergie de compétences entre les personnes, au sein d’espaces partagés.

Insérée dans la façade, la boîte de la serre tropicale de 20 m de hauteur et 40 m de largeur, forme une sorte d’emblème de la manufacture.
Photo : Michelin 2021-Nicolas Trouillard
 La boîte de la serre tropicale a été relookée avec de nouveaux murs-rideaux et une couverture en charpente acier revêtue de polycarbonate.
Photo : Michelin 2021-Cyrus Cornut
 Devant le mur-rideau de la serre, la canopée compte une succession de doubles poteaux et poutres fuselés de Douglas en V qui se déploient à l’horizontale, en formant des croisillons réduisant la prise au vent de la charpente.
Photo : Michelin 2021-Nicolas Trouillard
« Retrouver l’esprit des ateliers construits en charpente métallique, en rapport avec la production industrielle de Michelin »
Photo : Michelin 2021-Cyrus Cornut
À l’étage du bâtiment d’accueil, les salons de détente, à l’aménagement épuré, bénéficient d’un apport important de lumière naturelle issue des façades vitrées qui sont protégées par les auvents en bois.
Photo : Michelin 2021-Cyrus Cornut

Une serre tropicale, au cœur du projet

Accessible à partir du hall et du parvis, la serre réhabilitée (40 m de longueur et 20 m de hauteur) et édifiée en 2000 par Édouard Michelin offre aux visiteurs et aux salariés la possibilité de déambuler au sein d’une végétation tropicale, où furent plantés des hévéas, d’où est tirée la matière première des pneumatiques, un vrai clin d’œil aux salariés. Si, à côté de la serre, un café bénéficie d’une terrasse ensoleillée, une aire d’expositions temporaires et un espace dédié aux adolescents occupent l’autre extrémité de l’aile. À l’étage, se déploient des salles de réunion, et divers espaces de convivialité et de détente, appropriables par les usagers. Situés à l’arrière, les quatre bâtiments de bureaux historiques, réhabilités, présentent des façades, dont les menuiseries ont été remplacées par des châssis en aluminium pourvus de double vitrage. Concernant la structure mixte posée, elle associe un système à poteaux-poutres en acier à des planchers bois en CLT (épicéa massif du Massif central) « pour retrouver l’esprit des ateliers construits en charpente métallique, en rapport avec la production industrielle de Michelin », précise Romain Leal, chef de projet chez Encore Heureux. Cette imposante façade de 160 m de longueur a fait l’objet d’un traitement spécifique, avec la greffe d’un double auvent qui, disposé aux premier et second étages, crée une protection solaire efficace du mur-rideau en châssis de chêne qui, orientés notamment au sud et à l’est, s’appuient sur un mur de soubassement en pierres de lave.

Portiques élancés en Douglas

Ce dispositif savant a été conçu pour magnifier la façade vitrée et ne pas entraver sa haute transparence qui contribue à relier le parvis à l’accueil même. Cet auvent monumental est structuré par une succession de doubles portiques fuselés en bois lamellé-collé (BL-C) de Douglas qui octroie une nouvelle identité à l’édifice. Ce masque solaire combine des éléments en acier galvanisé à des pièces en bois. L’autre point essentiel du projet a trait au volet urbain et paysager, et au réaménagement de la place des Carmes qui se découpe en plusieurs espaces imbriqués, mêlant le minéral au végétal. Sur le parvis minéral du bâtiment Michelin, la terrasse, qui allie un sol en pierre à des îlots végétaux, offre ombre et fraîcheur. Elle s’accompagne du « cœur de place » juxtaposant une pelouse à des allées piétonnes. À l’est, l’autre «terrasse festive et aquatique » crée un îlot de fraîcheur, avec son vaste miroir d’eau (fond du bassin en pierre de Volvic) et son système de brumisation. De plus, un mur d’eau spectaculaire (32 m de longueur) est bordé d’un escalier monumental qui dessert le haut du viaduc et devient un belvédère et un lieu de promenade, alors que le torrent la Tiretaine, petit affluent de l’Artière et du Bédat, est remis en valeur.

Carol Maillard

Au centre de l’espace du hall d’entrée, prend place un escalier hélicoïdal scénographié en métal et bois. Il dessert l’étage et sa mezzanine logeant des salles de réunion et de travail, ainsi que des salons.
Photo : Michelin 2021-Cyrus Cornut

Favoriser les matériaux locaux et le réemploi

« Le travail sur la matière a constitué un enjeu majeur. Comment construire en minimisant l’impact des matériaux, du transport, de la transformation ? », s’interrogent les architectes. La démarche écologique qu’ils ont menée sur ce projet, avec Michelin, privilégie les entreprises locales et l’utilisation de matériaux biosourcés régionaux, comme la pierre de lave de Volvic ou du Mont-Dore et le Douglas de Corrèze. « La construction de cet accueil a été le lieu d’expérimentation du réemploi sur tout le bâtiment », ajoutent-ils. Une partie des vitrages de la serre existante ont été récupérés et redistribués pour les cloisons intérieures des bureaux, le reste alimentant la plateforme locale Métabatik de réemploi de matériaux. Et 1 100 m2 de parquet en chêne, datant des années 1950 et provenant du site de La Redoute à Roubaix, ont été réemployés dans le bâtiment. D’autres parquets, ainsi que des sanitaires et un transformateur électrique, issus d’un autre site clermontois de Michelin, ont été également réutilisés. Plus écologique et économe, cette pratique évite de surconsommer les matériaux, un réel atout en période de pénurie.

Le mur de soubassement du bâtiment d’accueil est revêtu de pierres de lave locales.
Photo : Michelin 2021-Cyrus Cornut
Coupe sur la façade principale. Doc. : DVVD /  Coupe sur l’auvent. Doc. : Mathis

Auvents en bois et acier

Devant le mur-rideau en châssis de chêne de la façade principale, se déploie une charpente en BL-C de Douglas composée de doubles poteaux en forme de V qui se développent à l’horizontale, selon une trame de 4,25 m, et dessinent des portiques. Ces deux éléments (poteau et poutre), formant l’auvent de 5,10 m de portée, ont été préfabriqués en atelier par l’entreprise de charpente bois Mathis, puis livrés par camion, reconstitués in situ et posés. Chaque pied de poteau repose sur un caisson d’acier revêtu de pierres de lave, en écho au socle de l’édifice paré du même matériau. Une résille horizontale, composée de poutres en BL-C croisées et assemblées par des ferrures, se greffe au sommet des poteaux. Mis en place à deux hauteurs distinctes (4 m et 72 m), l’auvent est couvert d’un bac acier thermolaqué gris.

 

Encore heureux, architectes

« Il fallait apporter de l’homogénéité à la façade principale du siège, porte d’entrée du groupe, et connecter les divers bâtiments déjà présents. » Notre projet architectural et urbain a été élaboré à partir de l’enjeu formulé par Michelin de savoir comment incarner l’image du groupe et de son siège social dans un bâtiment unique et cohérent. Il fallait apporter de l’homogénéité à la façade principale du siège, porte d’entrée du groupe, et connecter les divers bâtiments déjà présents. Le projet prend le parti de construire, devant les édifices existants, un nouvel ouvrage de deux niveaux, afin de ne pas les masquer et répondre aux contraintes d’accès, tout en érigeant un front bâti cohérent. La création d’une façade de 160 m de longueur opère un passage entre l’extérieur et l’intérieur. Le bâtiment d’accueil fait la part belle à la transparence qui se matérialise par de larges façades vitrées, protégées des rayons solaires par des auvents en bois réalisés sur toute la façade donnant sur la place des Carmes. Bas-carbone oblige, si la consommation de béton a été limitée et les matériaux biosourcés ont été privilégiés, la collaboration avec les entreprises locales fut une priorité. Et notre démarche a consisté à assurer une permanence architecturale sur le site pour être au plus près des besoins de Michelin et fabriquer ensemble ce programme.

Photo : Encore Heureux

Programme Rénovation des bâtiments tertiaires existants, construction du bâtiment d’accueil de Michelin et du parvis, et réaménagement de la place des Carmes à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

  • Maîtrise d’ouvrage : Michelin.
  • Maîtrise d’œuvre : agences d’architecture Construire (mandataire) ; Encore Heureux (associé) ; Base (paysagiste).
  • Cotraitants : BET structure et façade : DVVD BET fluides et thermique : Alto Économiste : Hecos BET acoustique : Atelier Rouch BET VRD : Ateve
  • Entreprise générale : Léon Grosse ; avec les sous-traitants (enveloppe) : charpente bois, Mathis ; charpente métallique, Soreco ; planchers bois, Piveteau Bois ; murs-rideaux, Mtech ; menuiserie métallique, Alu Construction ; portes à tambour, Boon Edam ; étanchéité, Étanchéité roannaise ; couverture, Bezacier ; isolation, Keser.
  • Surface : 11 000 m2 (5 000 m2/bâtiment neuf + 6 000 m2/ bureaux réhabilités)
  • Coût des travaux : 20 M€ HT

Cet article est extrait de Wood Surfer n°124 > Consulter la version numérique <