Paris : réhabilitation salutaire

Installée dans le jardin d’un bâtiment hospitalier, une ancienne serre horticole a été rénovée et destinée à un tout autre usage. Cette réhabilitation patrimoniale imposait un certain nombre de contraintes.

Il est des ouvrages si discrets que l’on n’imagine pas leur existence. Cette ancienne serre horticole en plein Paris en fait certainement partie. Cachée derrière de hauts murs, elle est située dans le jardin de la clinique Jean-de-Dieu, propriété de la fondation du même nom, dans le 7e arrondissement de Paris. À l’origine, les moines y cultivaient des plantes médicinales. Entre-temps, elle a servi à préparer les semis pour un potager, pour les fleurs du jardin et, surtout, la culture de la vigne. Constituée initialement, au 19e siècle, d’une ossature en acier, cette serre de près de 80 m2 a été reconstruite après la Seconde Guerre mondiale avec une structure en bois.
Celle-ci s’est dégradée progressivement. La nécessité de sa rénovation complète était devenue une évidence. Mais plus en vue de la même vocation.

La nouvelle charpente en moabi est protégée à l’extérieur par des capots en aluminium.
Photo : Giaime Meloni

Une « salle d’hospitalité »

La clinique attenante, spécialisée dans le traitement de maladies lourdes, telles que les cancers, souffrait d’un manque de place. Il a été décidé de transformer l’ouvrage en « salle d’hospitalité » accueillant un espace d’ateliers de discussions, de cours de cuisine et de yoga pour les patients convalescents. Il servira également de salle de réunion pour le personnel du site. Or la clinique se trouve dans un périmètre sauvegardé. Le 7e arrondissement est régi par le Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) qui impose des règles sur la protection du patrimoine bâti et sur la prescription architecturale. De fait, la transformation de la destination ne pouvait se faire qu’à condition de respecter strictement les dimensions et l’aspect extérieur de la serre.

L’aspect extérieur conservé…

La structure d’origine a été entièrement remplacée par une charpente et des menuiseries neuves en moabi. Les faces vues des nouveaux chevrons sont comparables aux précédentes, mais leur profondeur a été augmentée pour pouvoir supporter le poids plus élevé. En effet, les simples vitrages de 2 mm d’épaisseur ont été remplacés par des modules en double vitrage sensiblement plus lourds. C’est une entorse incontournable à la « réfection à l’identique », au même titre que les capots en aluminium sur la toiture à deux pans. En revanche, les murets ont été refaits à neuf en récupérant un maximum de briques en terre cuite d’origine. Extérieurement, la serre conserve son aspect, d’autant qu’est maintenu, en guise de protection solaire, le principe des claies en bois déroulables manuellement sur la toiture.

 La serre avant la réhabilitation.
Photo : Forme

… l’intérieur transformé

À l’intérieur, au contraire, la transformation est radicale. D’abord, le sol a été rabaissé pour gagner en hauteur sous plafond (nous passons de 2,6 m à 3 m au niveau de la panne faîtière). Le sol décaissé est recouvert d’un terrazzo avec des fragments de briques mélangés à du gravier qui rappelle le caractère fonctionnel du lieu tout en étant particulièrement résistant à l’usure. Toujours en s’inspirant de l’organisation initiale, un banc périphérique en bois a été installé là où se trouvaient, avant, les bacs de plantes. Sous ce banc, les architectes ont placé les équipements techniques qui permettent les branchements électriques, Internet et le soufflage du chauffage. Pour ce qui est de la ventilation, il faut noter que l’ancien système a été laissé en place. Il repose sur un astucieux principe de levier et de crémaillère qui fait se redresser un élément complet au niveau du faîtage de la verrière. Les pièces de serrurerie en fer ont toutes été démontées, restaurées puis repeintes avant d’être fixées sur les nouvelles menuiseries en bois. La ventilation comme la protection solaire sont, ici, d’une importance cruciale dès l’arrivée des premiers rayons du soleil. Par cette manipulation, les nouveaux occupants font perdurer une gestuelle faisant partie intégrante de l’esprit de la construction.

Jan Meyer

 Les mobiliers intérieurs ont été réalisés en ossature métallique thermolaquée et en panneaux de contreplaqué avec un revêtement stratifié en raison des contraintes d’hygiène que posent les établissements hospitaliers. En pin massif thermotraité, les claies déroulables posées sur la toiture sont assemblées par des crochets en acier zingué.
Photo : Forme

Maîtrise d’ouvrage :

  • fondation Saint-Jean-de-Dieu

Maîtrise d’œuvre :

  • Agence Forme, architectes
  • Betem, BET structure

Entreprises :

  • H. Chevalier, maçonnerie et gros œuvre
  • Les Ateliers Aubert Labansat, charpente et menuiserie bois
  • Golfe Agencement, menuiserie intérieure
  • Boutabout, métallerie
  • Stores de Tournus, claies bois

 

Cet article est extrait de Woodsurfer n°126 > Consulter la version numérique <