Quand le bois rassure les patients
Le plan de travail en multipli et son revêtement de sol souple très fin. La colorimétrie reprend celle des soubassements en peinture qui font écho à l’ancienne école.

Quand le bois rassure les patients

Loin des ambiances blanches stéréotypées des établissements de santé traditionnels, l’agence d’architecture lilloise TAG utilise le bois massif pour concevoir des espaces intimes et rassurants, ouverts sur l’extérieur.

Depuis 2014, TAG Atelier d’architecture multiplie les projets dans le domaine de la santé et se plaît à réinventer cette architecture très codifiée en se concentrant sur le ressenti du patient. Tous leurs projets ont pour point commun d’explorer les qualités du matériau bois pour offrir des espaces généreux, lumineux et chaleureux. Tour d’horizon de ces agencements sobres et soignés.

Restructuration de la maison médicale Madeleine-Brès à Prouvy (59) – 2021

L’escalier sculptural de la maison de santé Madeleine-Brès possède des marches confortables, profondes et larges, adaptées à un ERP. Photos : TAG

Le projet consistait à transformer l’ancienne école du village en maison de santé pour redonner un nouveau dynamisme en cœur de bourg et lutter contre la désertification médicale. Plutôt que l’extension latérale demandée par le programme, le cabinet d’architecture a préféré refaire la charpente bois et installer les espaces supplémentaires en surélévation bois. « Nous n’hésitons pas à sortir des programmes prescrits pour offrir plus d’architecture. Ici, le bois structurel laissé apparent permet de réduire les coûts sur le second œuvre », confie Clément Devignes, architecte cofondateur de l’agence. Cette économie a permis la création de la surface à l’étage et surtout celle d’un grand escalier sculptural en bois de hêtre qui connecte l’ensemble des cabinets médicaux et leurs espaces d’attente.

Le choix du bois vise en premier lieu à rassurer les patients, mais il contribue aussi à offrir un cadre de travail chaleureux et attractif aux médecins, dans un contexte de lutte contre la désertification médicale. Construit en atelier, cet escalier tout bois (marches, garde-corps, limon) répondait également au besoin de réduire les nuisances d’un chantier en ville. Les architectes souhaitaient par ailleurs ne travailler qu’une seule matière. Hêtre, pin et chêne, le bois fait le lien entre les différents agencements intérieurs : parquet damier en chêne rénové, plafonds en panneaux épicéa massif 3 plis ignifugés, mobilier et cloisons en panneau de CP pin radiata, portes en sapin.

Ambiance bois dans la surélévation de la maison de santé Madeleine-Brès, où s’harmonisent le plafond en panneaux épicéa massif 3 plis ignifugés, le mobilier (CP pin radiata), l’escalier (hêtre), les portes (sapin) et le parquet (chêne).

 

Le plan de travail en multipli et son revêtement de sol souple très fin. La colorimétrie reprend celle des soubassements en peinture qui font écho à l’ancienne école.

« En ERP, il n’est pas toujours facile de respecter le classement au feu des cloisons et il est parfois plus facile de mettre en place un Placo recouvert de bois ensuite. Aujourd’hui, en jouant sur les épaisseurs et l’emploi d’un vernis classé M1, on sait composer des cloisons bois validées par nos bureaux de contrôle. » Le pin a également servi à la conception du mobilier et des placards dans les salles d’attente et les cabinets médicaux.
« Il n’y a pas de normes d’hygiène pour les maisons de santé, il n’y a que des idées préconçues qui entraînent des réticences. Alors que nos bois sont traités et vernis, la conception des paillasses qui meublent les cabinets médicaux a dû être modifiée. Un revêtement de sol souple protège ainsi le plan de travail. »

Construction de la maison de santé L’Arrouaise à Villers-Outréaux (59) – 2020

Originale à plus d’un titre, cette maison de santé pluridisciplinaire rompt avec l’univers médical traditionnel. Dans cette grande maison fractionnée qui épouse la pente naturelle du terrain, les salles d’attente situées entre chaque volume habité s’ouvrent sur les patios pour faire entrer la lumière. Toute de briques revêtue, cette grande bâtisse repose pourtant sur une structure en bois massif. Dès la porte franchie, la structure en CLT de pin 3 plis 120 mm se révèle au mur comme au plafond. Le bois s’impose avec un mobilier minimaliste issu du même matériau, avec des épaisseurs adaptées aux besoins.

L’extérieur en brique de la maison de santé L’Arrouaise à Villers-Outréaux cache un cœur et une structure en bois massif.
Les espaces d’accueil très épurés sont ouverts sur des patios.

 

« Nous souhaitions créer deux univers très différents en jouant sur l’extérieur en briques de parement autoportantes, et l’intérieur bois », détaille l’architecte. L’emploi de ce matériau structurel qui dispose d’un PV indiquant le degré coupe-feu en cloison permet aussi de passer les normes incendie contraignantes des ERP. L’emploi du bois répond également à la philosophie des architectes. « On nous demande parfois d’aller vers d’autres matériaux qui imitent le bois, mais c’est une logique que nous combattons. Le bois, pour nous, n’est vraiment pas qu’un élément visuel. Nous apprécions son aspect massif, ses qualités d’usure, et surtout son évolution dans le temps et son caractère réparable », précise Clément Devignes.

Service ambulatoire de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Lille (59) – en cours

Le bois dans l’univers médical n’est pas fréquent. Pourtant, aujourd’hui, les choses bougent. L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Lille, animé par les questions du bien-être et de l’accueil des patients, a demandé aux architectes de concevoir l’agencement de son nouveau service ambulatoire. Ces espaces représentent un enjeu économique pour l’hôpital de demain et doivent « séduire les patients ». Acoustique, esthétique et lumière naturelle sont ainsi traitées pour augmenter le confort des usagers et des travailleurs. Ces services offrent une plus grande liberté architecturale, car on n’y pratique pas d’actes médicaux. « L’hôpital reste un univers très plastique avec des standards de produits imposés dans de nombreux espaces. Néanmoins, nous avons pu placer le bois massif dans tous les éléments manifestes, comme les grands murs courbes qui seront créés autour des patios. Il sera également présent dans l’ensemble du mobilier, les assises, mais aussi dans les circulations créées et les points de repères visuels. » Ce chantier qui a démarré en septembre témoigne de la percée du matériau bois dans le milieu médical.

L’espace d’attente en pédiatrie imaginé pour l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul de Lille offre une atmosphère chaleureuse qui rompt avec l’ambiance stérile des hôpitaux traditionnels.

 

Aurélie Cheyssial

Cet article est extrait de Wood Surfer n°138, disponible en version numérique