Présentée comme une alternative intéressante à la dalle en béton, la toiture-terrasse sur éléments porteurs en bois offre les avantages liés à sa légèreté et à la rapidité de mise en oeuvre. Cependant, il ne faut pas oublier que ces ouvrages sont particulièrement sinistrables en cas d’erreur de conception ou de mise en oeuvre approximative. Point sur les principaux pièges à éviter avec Christian Fanguin, directeur technique de Bois PE, centre de formation et d’innovation spécialisé dans la construction à ossature bois et la performance énergétique, basé à Egletons (19).
Parmi les trois solutions existant sur le marché — toiture-terrasse chaude (non ventilée), toiture-terrasse froide (ventilée) et toiture-terrasse à isolation intégrée (recommandée par le guide
Rage)—, la toiture chaude non ventilée semble emporter la majorité des suffrages des professionnels. Est-ce vraiment la solution la plus sûre ?
Il faut commencer par un constat : beaucoup de professionnels — je parle ici des entreprises de charpente-couverture qui se présentent chez nous pour une formation en toiture-terrasse bois — ne savent pas faire la différence entre une toiture chaude et une toiture froide. Si effectivement, presque tout le monde s’accorde à dire que la toiture-terrasse chaude est la plus recommandable, cela ne signifie pas qu’elle ne présente aucun inconvénient. Elle peut poser problème à l’architecte parce qu’il s’agit d’une solution qui fait augmenter la hauteur du bâtiment en raison de l’isolant dont au minimum deux tiers sont positionnés au-dessus du support en bois. Un autre écueil potentiel est le raccord avec l’existant. Dans ces situations, les entreprises se positionnent sur les toitures ventilées et… les ennuis peuvent commencer.
Pourquoi ?
Tout d’abord parce que cette solution, comme son nom l’indique, doit être ventilée. Si l’on se contente de réserver un espace vide entre l’isolant et le panneau en bois, sans aucune entrée ni sortie d’air, on n’échappera pas aux problèmes de condensation. Et ces malfaçons sont très fréquentes à cause de la difficulté technique que représentent les procédés à mettre en place pour assurer la ventilation. Il s’agit par exemple de faire des trous entre chaque solive et de ventiler par des décalages d’habillages d’acrotères. Considérées comme trop chères, car trop chronophages, ces techniques ne sont pas mises en oeuvre par les entreprises, ce qui conduit à une très forte sinistralité en toiture froide : la vapeur d’eau contenue dans l’air non ventilé se condense et charge en eau l’isolant et le plafond.
Toujours majoritaires sur le marché des toitures-terrasses, les membranes à abse de bitume ont cédé une part significative aux membranes synthétiques qui, aujourd’hui, se développent fortement sur les chantiers de toitures-terrasses sur support bois où la mise en oeuvre sans flamme est de plus en plus plébiscitée. Photos : Bois PE |
Comment est perçue la solution proposée par le guide Rage, à savoir la toiture-terrasse en bois isolée intégralement sous l’élément porteur ?
Chez les fabricants de membranes d’étanchéité, elle a suscité énormément de controverses, et la majeure partie d’entre eux est contre. Si physiquement, en théorie, les critères sont respectés, les entreprises ne prennent pas toutes les précautions qu’impose cette solution, ce qui augmente le risque de sinistres. Cela explique la réaction des fabricants de membranes d’étanchéité : ils ne veulent pas que leurs produits soient associés à ce type de solutions.
Quels sont, selon vous, les points qui devraient être encore traités dans les textes normatifs ?
Aujourd’hui, le DTU 43.3 ne prend pas en compte les toitures-terrasses accessibles qui, pour l’instant, ne sont réalisables qu’avec l’Avis technique.
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Compte tenu de grands risques de sinistralité sur ce type d’ouvrage, faut-il que le DTU 43.4 soit reformulé ?
Les documents normatifs ne sont pas vraiment une source d’informations suffisante pour le traitement de points singuliers. Dans les normes, on donne de grands principes, mais pas de réponses techniques, opérationnelles. Or il faudrait insister plus, dans le cas des toitures-terrasses froides, sur le côté impératif de la ventilation, donner plus de variantes, de solutions concrètes. Le CSTB développe aujourd’hui des cahiers techniques de vulgarisation, qui sont très bien conçus, mais en réalité, l’initiative de présenter des réponses concrètes émane surtout d’organismes comme le nôtre.
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Parmi les erreurs qui peuvent être commises sur les chantiers de toitures-terrasses en bois, lesquelles sont les plus fréquentes et les plus lourdes de conséquences ?
Les erreurs les plus fréquentes, pour la partie mise en œuvre, concernent les soudures de membranes synthétiques qui peuvent être effectuées à l’air chaud ou à froid. Une soudure mal réalisée entraîne des fuites, et localiser une fuite dans le cas d’une toiture-terrasse est très difficile. Les pathologies les plus graves sont, quant à elles, générées par la condensation. Mais dans ce cas, il s’agit d’erreurs de conception.
Quel type d’entreprise fait appel à Bois PE pour les formations « toitures-terrasses sur support bois » ?
Il s’agit le plus souvent des charpentiers-couvreurs qui traitent des macrolots, ainsi que des charpentiers ou couvreurs qui vont faire un peu d’étanchéité. L’assurance de couvreur permet de réaliser 150m2 d’étanchéité par chantier. Nos formations ne s’adressent pas en revanche aux étancheurs professionnels travaillant sur des chantiers de plus de 1000m2 qui, en général, sont affiliés à des marques et des systèmes spécifiques et n’en dérogent pas trop. En trois ans, nous avons formé entre 140 et 150 professionnels et nous avons pu constater que c’est un marché qui se développe, notamment sur des chantiers d’agrandissement de maisons individuelles.
Propos recueillis par Anna Ader
Textes de référence
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Trois types de toitures-terrasses en boisToiture chaude Dans le cas de la toiture chaude isolée, les panneaux porteurs (en bois ou pas) reçoivent un écran pare-vapeur, une isolation rapportée, un revêtement d’étanchéité et sa protection lourde ou autoprotection. Les Recommandations professionnelles Rage « Isolation thermique des sous-faces des toitures chaudes à élément porteur en bois » (juillet 2014) ont introduit la possibilité de compléter l’isolation située à l’extérieur du panneau par une isolation intérieure dans la limite dite des 2/3-1/3 Avantages Précautions à prendre Toiture froide La toiture chaude implique un acrotère assez haut. Il ne doit pas y avoir de pare-vapeur positionné sous le complexe d’isolation intérieur. Avantages Précautions à prendre Toiture isolée intégralement sous l’élément porteur Décrite dans le guide Rage « Toitures-terrasses en bois isolées intégralement sous l’élément porteur », cette conception consiste à réaliser une toiture froide sans ventilation, ce qui oblige à adapter la perméance du pare-vapeur. Elle est incompatible avec la végétalisation et son application est limitée à certaines catégories de bâtiments. Avantages Précautions à prendre |
Cet article est extrait du numéro 99 de Wood Surfer. Pour acheter le magazine, rendez-vous sur Kiosque21.com >