Construction biosourcée : matériaux et procédés

Bois, chanvre, paille, ouate de cellulose, liège, lin, chaume…, les matériaux biosourcés se retrouvent en première ligne de solutions conformes aux exigences de la nouvelle réglementation RE 2020, en vigueur depuis deux ans. Le biosourcé est entré dans les laboratoires des industriels et constitue l’une des stratégies essentielles pour répondre à l’urgence climatique.

La Ferme du Rail, Paris 19e. Dans ce projet, signé par l’agence d’architecture Grand Huit, l’agriculture urbaine rime avec solidarité.
Photo : Myr Muratet

Dans les discours des politiques, le terme « urgence climatique » remplace progressivement celui de « transition écologique ». Le langage se fait plus alarmiste au fur et à mesure que l’on prend conscience de la difficulté d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Les bâtiments représentent une part conséquente des émissions de gaz à effet de serre, aussi bien du fait de leurs consommations d’énergie que de la façon dont ils sont construits. Ainsi, l’analyse du cycle de vie des matériaux, devenue obligatoire avec la RE 2020, permet d’étudier précisément la gestion des ressources mise en place. Le terme « biosourcé » caractérise les matériaux entièrement ou partiellement issus du vivant, donc de matières premières renouvelables qui de plus ont une très faible empreinte carbone. S’ils permettent de stocker une part importante de carbone durant leur vie dans un bâtiment, ce qui est déjà un avantage, ils offrent aussi la possibilité d’être valorisés en fin de vie.

La ouate de cellulose est un matériau isolant issu du recyclage de papier journal. Associée à une ossature bois, elle apporte une bonne régulation de l’humidité et un confort thermique été comme hiver.
Photo : Soprema

Mixité, frugalité, compatibilité

Les différents systèmes constructifs bois (ossature bois, poteaux-poutres, poteaux-dalles…) sont de loin la meilleure base pour concevoir un bâtiment correspondant aux exigences de la RE 2020. Possibilité de préfabrication, légèreté, rapidité d’exécution, chantiers à faibles nuisances…, le bois coche toutes les cases. Il se marie facilement avec d’autres matériaux biosourcés qui interviennent par exemple en isolation et offre un bilan carbone encore plus satisfaisant s’il provient de la forêt locale. Sans oublier sa capacité à répondre aux principes de l’architecture frugale. Avec de nouveaux procédés constructifs conçus ces dernières années, le bois devient une option technique permettant d’économiser de la matière dans la construction.

Isolation biosourcée : naturellement efficace

Parmi les isolants, on distingue trois grandes familles : les isolants rigides, sous forme de panneaux ; les isolants semi-rigides, sous forme de panneaux flexibles ou de laine ; les isolants en vrac. Les plus répandus sont fabriqués à partir de fibres de bois qui proviennent du défibrage de déchets bois, issus en partie de coupes de forêts ou de l’industrie. En France, on fabrique essentiellement des isolants de type semi-rigide (80 % de la production). Si cette offre est suffisante pour le territoire national, il n’en est pas de même pour les panneaux rigides qui proviennent à 90 % des importations. Grâce à leur bonne inertie thermique, les isolants biosourcés stockent et transmettent lentement la chaleur, ce qui est un avantage pour le confort d’été, faisant partie des exigences fortes de la RE 2020. Le déphasage thermique de ces solutions permet donc de ralentir de plusieurs heures la transmission de l’onde de chaleur dans une paroi et d’atténuer son amplitude. Par ailleurs, ces matériaux fibreux ont des qualités d’absorption qui participent à la correction acoustique du bâtiment.

L’école maternelle Les Boutours à Rosny-sous-Bois (93), installée dans une ancienne halle de marché. Les murs neufs sont construits en caissons d’ossature bois remplis de paille et la toiture en caissons d’ossature bois remplis de coton recyclé.
Photo : Emmanuel Pezrès

On trouve également des bétons biosourcés, utilisés en remplissage, associant un granulat végétal comme du chanvre (sous forme de chènevotte), lin ou bois, avec un liant minéral. Les formulations et techniques de mise en œuvre en béton de chanvre projeté ou en remplissage banché sur une ossature bois sont couvertes par des règles professionnelles pour les logements de 1re et 2e famille. L’isolation mettant en œuvre chènevotte en vrac seule n’est pas couverte par les règles professionnelles et nécessite un avis technique.

Chapeau, la paille !

Dans l’écoconstruction, le mariage bois-paille connaît un développement spectaculaire, notamment grâce à la massification des produits biosourcés dans le secteur de la construction hors site. La paille est généralement utilisée sous forme de blocs associés et comprimés, en remplissage d’ossature bois pour la construction de maisons individuelles, ou en caissons préfabriqués dans le cas d’immeubles résidentiels ou d’équipements publics. Coordonner le travail des acteurs de la filière construction bois avec les fournisseurs de paille n’est pas un problème, les céréales sont produites dans toutes les régions et l’approvisionnement se fait en moyenne dans un rayon de 50 km. La taille standard d’une botte est de 36 x 46 x 80 cm, mais on en trouve également de 26 x 46 x 80 cm, plus adaptée à l’isolation par l’extérieur. Pour l’utilisation entre ossatures et rampants, cette technique est considérée comme courante et couverte par les règles professionnelles rédigées par le Réseau français de la construction paille (RFCP). En revanche, lorsque la paille est utilisée pour l’isolation thermique par l’extérieur (ITE), le procédé est considéré comme technique non courante.

L’utilisation de la paille dans la construction se développe en circuits courts.
Photo : Grand Huit
Matériau tout terrain, le liège peut assurer l’isolation thermique et acoustique à l’intérieur…
Photo : Wicanders
 … et à l’extérieur du bâtiment.
Photo : Weber

Préservation et finition : le bonheur est dans le champ

Dans le secteur de préservation et de finition du bois, la recherche a permis de mettre en place un bon nombre de solutions basées sur l’exploitation de ressources naturelles. N’oublions pas que la réglementation était particulièrement exigeante depuis de nombreuses années. Entré en vigueur en 2007, le fameux règlement européen REACH (Registration, Evaluation and Autorisation of Chemicals) recense, évalue et contrôle les substances chimiques fabriquées, importées et mises sur le marché européen. Sur la liste noire, les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction 1A et 1B, suivies par les substances persistantes, bioaccumulables, toxiques et les perturbateurs endocriniens. Après les formulations en phase aqueuse, qui étaient déjà un grand pas en avant, les industriels se sont mobilisés pour aller plus loin.

Fin 2007, voit le jour l’Association chimie du végétal (ACDV), créée à l’initiative « d’industriels conscients des enjeux économiques et environnementaux que représente une chimie basée sur des ressources végétales ». Aujourd’hui, elle compte près de 70 membres : entreprises de la chimie, de l’agro-industrie et des industries utilisatrices, pôles de compétitivité et organismes professionnels. Parmi ses adhérents, quelques spécialistes de solutions de préservation et de finition du bois.

Sur le marché, les lignes de produits estampillés « Nature » ou « Environnement » se multiplient dans les années 2020. On mise sur les résines biosourcées à base d’huile de soja, de colza, de ricin, de cameline… C’est le triomphe de l’agroalimentaire ! Encore une fois, il s’agit d’optimiser le bilan carbone, tout en limitant le recours aux ressources fossiles, qui ne sont pas inépuisables et encore moins renouvelables.

Anna Ader

En savoir plus : 

Quand le biosourcé et le géosourcé font l’école

À Miribel, dans la Drôme, le groupe scolaire de la Haute-Herbasse accueille les élèves dans une ambiance imprégnée par le pisé, le bois et la paille. Matériaux de construction avec des cycles de fabrication courts, peu de transformations et privilégiant des productions locales.

 

La réalisation se présente sous la forme de deux bâtiments, l’un abritant l’école, l’autre le restaurant scolaire et les locaux techniques.
Photo : Nama Architecture

L’architecture du groupe scolaire de Miribel fait référence aux fermes et séchoirs anciens, aussi bien en ce qui concerne les matériaux utilisés que concernant l’esthétique extérieure. L’ensemble est constitué de deux bâtiments, l’un abritant l’école, l’autre le restaurant scolaire et les locaux techniques. Le hall d’accueil, entièrement vitré, relie les deux entités. La partie pédagogique se développe sur deux niveaux en regroupant les unités fonctionnelles. Le rez-de-chaussée accueille l’école maternelle, les espaces communs, la restauration… Les salles de classe des primaires se trouvent à l’étage.

Les façades principales orientées sud permettent de profiter de la lumière et des apports solaires passifs. Le recours aux matériaux biosourcés, en cohérence avec la demande exprimée par le maître d’ouvrage, est une des caractéristiques principales du projet. « La mise en œuvre de murs porteurs intérieurs et extérieurs en terre crue, pour ses qualités esthétiques et physiques, associées à l’identité de l’architecture vernaculaire locale, est un élément fort de notre conception, expliquent les architectes de l’agence Design & Architecture.

Ainsi, le projet met en scène ce matériau issu du lieu au travers de la technique du pisé […] qui est le procédé de construction majeur de nombreux ouvrages pluricentenaires en France, dans notre région et à l’étranger, dont certains sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Le bois massif provient des Alpes, prioritairement du Vercors et de la Chartreuse. Il est associé à la paille pour la réalisation du manteau isolant du bâtiment. » Le matériau bois est d’ailleurs présent dans la réalisation sous plusieurs formes : structure porteuse (poteau-poutre) sur salles de classe, caisson paille en façade et toiture, bardage, plancher (CLT), faux-plafond ajouré, menuiserie extérieure bois aluminium et menuiserie intérieure.

Maître d’ouvrage : Syndicat intercommunal à vocation scolaire de la Haute-Herbasse (26)
Maîtres d’œuvre : Design & Architecture (38), Nama Architecture (38)
Bureaux d’études structure bois : Gaujard Technologies Scop (84), Vessière & Cie (38)
Entreprises bois : Société dauphinoise de charpente couverture (38), Menuiserie Proponnet (38), Miglietti Père & Fils (38)

Cet article est extrait du magazine WoodSurfer 134 disponible sur Calameo.