Les Halles de Saint-Dizier (52)

Parti architectural

Projet à rebondissements, les nouvelles Halles de Saint-Dizier ont été conçues par le collectif Studiolada. Elles ont ouvert leurs portes aux Bragards en mars 2023.

Maître d’ouvrage : Ville de Saint-Dizier (52)
Maître d’œuvre : Studiolada Architectes (54)
BET structure : C&E Ingénierie (75)
BET structure bois : Barthes bois (54)
Charpentier : Buguet Fils (52)

Photo : Olivier Mathiotte

Lancé en 2018 par la mairie, le projet de renouveau du marché couvert de Saint-Dizier a pour objectif de redynamiser le centre-ville et ses commerces dans le cadre du grand projet « Cœur de ville ». Il fit suite à un travail sur le nouveau master plan du centre historique avec l’architecte Carme Pinós en 2011, puis avec l’Atelier Ruelle depuis 2018. Le nouveau bâtiment doit devenir la locomotive qui drainera l’activité dans l’artère commerciale de Saint-Dizier, l’avenue Gambetta.

Cette dernière structure le centre-ville en reliant la place Aristide-Briand, où se situent l’hôtel de ville et le théâtre, à la place du marché. Les anciennes halles, datant de 1923, présentaient des faiblesses structurelles et demandaient d’importants travaux pour une mise aux normes thermiques et sanitaires. Parti a été pris par la mairie de démolir pour reconstruire un bâtiment neuf aux standards thermiques et sanitaires actuels, tout en créant de l’espace public autour de l’équipement.

Le concours de maîtrise d’œuvre a été remporté par le collectif nancéen Studiolada en janvier 2019. La nouvelle construction, plus petite que l’ancien marché couvert, fait 30 x 50 m ; 1 200 m² sont dédiés à la vente des produits locaux (boucheries, fromageries, maraîchers…). « Le socle commercial est organisé suivant un plan classique avec trois allées longitudinales et une allée latérale créant sept îlots de commerces, explique Christophe Aubertin, auteur du projet chez Studiolada. L’allée principale, qui atteint une largeur de 5 m, constitue l’axe principal du marché. »

Coupe transversale.
Doc. : Studiolada Architectes 
 
Plan rez-de-chaussée.
Doc. : Studiolada Architectes

D’inspiration patrimoniale

Les architectes se sont inspirés du concept des halles médiévales. Celles-ci disposent en général d’une enceinte en pierre percée d’ouvertures arquées qui forment vitrines et entrées du marché. À l’intérieur, la charpente bois portant le toit est omniprésente. Ainsi, la façade en pierre massive du nouvel équipement comprend 16 arcs brisés et surbaissés qui permettent de voir l’extérieur et donnent l’accès au lieu. L’arc le plus grand a une portée de 23 m, la plus importante d’Europe ! Les architectes ont choisi de mettre en œuvre des matériaux locaux comme la pierre calcaire d’Euville dans la Meuse (près de 600 tonnes), l’épicéa des forêts des Vosges et la fonte de la fonderie GHM, située à 30 km de Saint-Dizier. La ville a une grande tradition de la fonderie le mobilier urbain du Paris de la Belle Époque, dessiné par Hector Guimard, y était fabriqué. L’épicéa sélectionné pour le plafond acoustique des halles présentait des traces de scolytes. Le parti a été pris de valoriser des bois habituellement déclassés par les scieurs, notamment en raison du développement d’un champignon qui accompagne les scolytes. La fonte a été utilisée en particulier pour les grilles qui habillent les étals des marchands ainsi que pour le mobilier urbain du nouveau parvis.

Vue depuis le parvis.
Photo : Olivier Mathiotte

Rebondissements pendant les études !

Durant les études, le sous-sol s’est révélé plein de surprises et a demandé des adaptations profondes du projet initial, notamment en structure. En effet, les caves voûtées de l’ancienne halle sont classées et habitées par une espèce de chiroptères protégée. Pour éviter toutes perturbations de leur écosystème, surtout pendant le chantier à cause des vibrations, il a fallu transformer le bâtiment en pont qui les chevauche. Ainsi, la nouvelle dalle basse du rez-de-chaussée est décollée d’une soixantaine de centimètres de l’ancienne qui a été conservée, créant ainsi un socle à l’ensemble. Véritable dalle portée, à l’aide d’une charpente métallique, celle-ci repose sur 30 pieux de fondation qui descendent à 15 m de profondeur. Ces derniers sont situés hors périmètre des caves à protéger. L’ensemble est posé sur des plots antivibratiles pour éviter tout transfert de « mauvaises » ondes. Cette péripétie a eu raison de la belle charpente bois proposée au concours qui est devenue charpente métallique à grande portée pour éviter tout report des charges du toit sur un sous-sol que l’on ne peut plus toucher. Les poteaux métalliques présents jouent même le rôle inverse en suspendant le plancher bas du rez-de-chaussée à la charpente du toit.

Vue intérieure.
Photo : Olivier Mathiotte

Programme :

  • Surface : 1 500 m²
  • Budget (hors VRD) : 3 938 000 € HT

Calendrier :

  • Inauguration : mars 2023

Étude et conception

Les bureaux d’études C&E Ingénierie et Barthes bois ont eu la charge de la conception de l’ensemble des structures des Halles de Saint-Dizier.

Photo :  Studiolada

La prise en compte du classement des caves voûtées pour la préservation de l’habitat des grands murins, des chauves-souris protégées a profondément modifié la structure de la proposition initiale du concours. Le bon sol pour fonder la construction devient inaccessible. Cette donnée a transformé une classique structure poteaux-poutres bois habillée de façades en pierre en ouvrage d’art à structure métallique pour éviter toute descente de charge sur les caves. Pour minimiser l’impact des fondations sur le sous-sol, le recours à une trentaine de pieux a été privilégié. Ceux-ci descendent à 16 mètres de profondeur. Se trouvant dans le périmètre de la construction, ils imposent la conception d’un plancher bas digne d’un tablier de pont. Posé sur les têtes de pieux, le plancher bas du rez-de-chaussée est constitué de poutres métalliques en treillis. Du fait de la portée importante, celles-ci sont soulagées par le haut grâce à des suspentes qui forment les poteaux et qui les lient aux fermes treillis de la toiture des halles.

Sous-face bois.
Doc. : Studiolada
Support de la résille.
Doc. : Studiolada
 

Cette charpente métallique est stabilisée grâce aux façades en pierre orientées à l’est et à l’ouest, tout en les contreventant. Les ouvrages en pierre de taille comprennent quant à eux plus d’un millier de pièces. Les pierres de « remplissage » sont sciées six faces et font 140 x 70 x 40 cm. Les façades nord et sud sont constituées d’une série de six arcs dits « en chaînette » tandis que les façades orientées à l’est et à l’ouest comprennent un seul grand arc surbaissé de 23 m. Ils sont composés de pierres taillées en biseau ou claveaux de 110/140/170 x 66 x 60 cm. Leur sciage en « S » permet d’augmenter la surface de contact entre les claveaux et rendre ces derniers légèrement autobloquants.

Les pieds des arcs sont repris aux angles du bâtiment par de grosses culées en béton armé précontraint. Celles-ci sont liaisonnées entre elles à l’aide de tirants qui sont constitués de longrines transversales en béton précontraintes par post-tension. Des poteaux béton aux quatre angles du parallélépipède et un chaînage périphérique en tête des façades rendent les quatre façades solidaires. La résille acoustique située en plafond et les remplissages formant les arcs sont les derniers ouvrages bois qui ont été conservés du projet initial. Ainsi, un jeu de poutres BM 150 x 150 mm, soutenu depuis la charpente métallique, supporte les chevrons 80 x 80 mm en épicéa des Vosges à l’aide de tiges filetées. Les chevrons se croisent à l’axe des travées et forment une jupe qui se soulève pour laisser apparaître les lanterneaux de toiture, apportant un éclairage zénithal au cœur de ce marché couvert.

Fixation de la résille.
Doc. : Studiolada

Réalisation

Le chantier, qui fait appel au béton, à la pierre, à l’acier et au bois, a suivi une cinétique précise pour permettre le montage de cette structure complexe.

Photos : Studiolada

Tout commence par la réalisation des pieux, la ceinture de longrines et les culées qui reprennent les arcs. Afin de se rapprocher de la teinte de la pierre d’Euville, on a choisi d’utiliser pour les culées un béton ton pierre. Les culées et longrines qui supportent les grands arcs ont été précontraintes par les techniciens de l’entreprise Freyssinet. La charpente métallique a ensuite été mise en place par l’entreprise Fourcade, avant la réalisation de la dalle basse qu’elle supporte. Les fermes, assemblées au sol, ont été posées à l’aide de grues télescopiques 160 t.

 Arc en BLC.
 Mise en œuvre du plafond bois.

Le montage des quatre façades en pierre naturelle a été réalisé par la société troyenne SNBR qui s’est chargée du calepin de débits et de la taille des pièces les plus techniques comme les claveaux. Les remplissages et les pierres en contact avec l’extrados des arcs ont été taillés par la carrière exploitée par Rocamat dans la Meuse. Pour garantir les délais, au vu du nombre de pièces à poser, trois équipes ont été mobilisées. Le travail a été organisé de façon à permettre une réutilisation des coffrages bois des arcs, notamment ceux des façades orientées à l’est et à l’ouest réalisés en BLC. Les claveaux ont été percés pour une manutention aisée à l’aide d’élingues. Les autres pierres ont été manutentionnées à la pince Perdriel. Une fois le clos-couvert atteint et les réseaux de fluides passés, le plafond acoustique en épicéa des Vosges a été réalisé. Les barres, préparées en atelier, ont été posées une à une sur chantier à l’aide d’une nacelle.

Le cahier a été réalisé par Bastien Lechevalier, architecte DPLG.

  • Volume de pierre : 330 m³ de pierre d’Euville
  • Volume de bois : 61,8 m³ pour les MOB, les bardages et les structures 76,6 m³ pour le plafond en chevrons

Logistique & délais : 

  • Temps passé :  pierres taillées durant l’année 2020 pour une fin de pose début 2022 sur chantier
  • Matériel de levage utilisé sur le chantier : grue à tour mobile, chariot télescopique, treuil
  • Livraison du chantier : 2023

Fournisseurs et entreprises : 

Cet article est extrait du magazine WoodSurfer 134 disponible sur Calameo.