HAUT Amsterdam bouwproces 2020-2021

FBC 2022 : l’horizon de la neutralité carbone

Depuis 2019, l’objectif de la neutralité carbone est gravé dans le marbre gouvernemental pour 2050. L’urgence climatique a conduit la Commission européenne à relever le seuil des réductions d’émissions humaines à l’horizon de 2030 (Fit for 55). À Épinal et à Nancy, du 6 au 8 avril 2022 (si le contexte sanitaire le permet), le 11e Forum Bois Construction fera de la neutralité carbone le thème central des nombreuses interventions.

Le Forum Bois Construction a eu la chance de pouvoir se tenir à Paris en juillet dernier, au Grand Palais éphémère, comme seul événement important de la filière bois et biosourcés de toute l’année. Le mot d’ordre était une fois de plus alarmant : « La construction biosourcée, pour bâtir un avenir ». Pour sa 11e édition, FBC a choisi d’aller plus loin avec pour sujet principal la neutralité carbone. La démarche écoconçue que le Forum mène en pointe de tous les événements professionnels français conduit à réduire les émissions de carbone et à effacer le solde restant par la plantation, en France, de parcelles qui sortent du jeu naturel de la replantation ou de la régénération après récolte. Dans le cas du Forum, il s’agissait de reboiser une parcelle dévastée par le scolyte. Pourquoi ne pas appliquer à la construction ce modèle, se sont demandé les organisateurs ? Par ailleurs, depuis plusieurs mois, les communiqués issus de la filière bois de l’autre côté du Rhin font état les uns après les autres de la neutralité carbone des entreprises du secteur, notamment dans le domaine du meuble, mais désormais également, avec Elka, dans celui des panneaux de process. La filière bois allemande se sert d’un label pour authentifier les démarches d’effacement des émissions résiduelles des entreprises, notamment celles de la filière bois, et l’exposition de ces entreprises à un public sensible a fait le reste. Quelque temps après le choix du thème par les organisateurs du Forum, le 14 décembre 2021, la Commission européenne a décrété la nécessité de parvenir à la neutralité carbone des constructions neuves à l’horizon de 2030, soit dans huit ans.

Amsterdam se dote d’un immeuble de logements en bois de 73 mètres de hauteur. Avec ses 21 étages, le projet de l’agence Team V Architects porte bien son nom : HAUT.
Photo : Team V Architects

 

 

 

 

L’obstacle de la biodiversité

La phrase de l’éminent ingénieur bois Julius Natterer, que le Forum place en exergue de l’édition 2022 – « Seule l’utilisation accrue du bois dans le Bâtiment est en mesure de sauver les forêts du monde » –, est perçue aujourd’hui de manière clivante, de la société civile jusqu’aux instances européennes. Comment peut-on considérer que la forêt soit un réservoir de matériaux pour la construction ? Comment imaginer que c’est justement cette façon de penser qui va sauver les forêts ? Aujourd’hui, la forêt est devenue une grande Zad. Dans le cadre des sessions préliminaires organisées par le Forum dans les locaux de l’Enstib durant la matinée du 6 avril, Pascal Triboulot, modérateur, va insister sur cet état de fait : la filière de la construction en bois va être obligée de se positionner par rapport à ces attentes sociétales, qu’elles soient justifiées ou non.

À Maisons-Alfort, le nouveau siège de l’ONF par WOA avec Mathis est une prouesse de l’architecture bois francilienne.
Photo : Jonas Tophoven

On recrute

La situation sociétale actuelle devient d’autant plus dramatique que la filière de la construction biosourcée est plongée dans une grave crise de recrutement à tous les niveaux. Selon l’Union des métiers du bois, il manquera 75 000 postes dans la filière bois d’ici à 2025. La construction biosourcée risque de ne pas être en mesure de répondre aux fortes attentes qui pèsent sur elle pour tirer le bâtiment vers la neutralité carbone. Les vocations sont contrecarrées par cette atmosphère actuelle selon laquelle la construction biosourcée, du moins la construction en bois, tend à faire couper des arbres. Plus de vocations, plus de construction biosourcée, plus d’usage pour les forêts, plus d’argent pour les entretenir (quoi qu’on en dise), dans l’attente de ravages attendus à cause du manque de précipitations avec un risque immense de relargage du carbone stocké et d’une contribution massive au réchauffement climatique.

Construit dans le nord de la Suède, entièrement avec du bois provenant des forêts environnantes, et exploité à 100 % avec des énergies renouvelables, le centre culturel Sara Kulturhus – projet de l’agence White Arkitekter – est incontestablement l’un des ouvrages les plus remarqués de l’année 2021 dans le monde.
Photo : Patrick Degerman

Un Forum qui porte bien son nom

Le Forum explore, en avril, par les ateliers thématiques parallèles, toutes les voies de la neutralité biosourcée : haute performance, construction en feuillus, réemploi, réhabilitation versus construction neuve, logistique décarbonée, frugalité, industrialisation de la préfabrication. Comme d’habitude, l’événement se garde bien de prendre le parti d’une chapelle, mais confronte ces critères incontournables à la réalité actuelle de la construction. Pour autant, la dixième édition, en plein Paris, était marquée par une volonté de séduction au cœur du pouvoir, avec un discours conciliant en termes de mixité. Cette année, dans une région Grand Est franchement acquise à la démarche frugale, le curseur est un peu déplacé. Mais il l’est aussi vers une plus grande prise en compte de l’ingénierie ainsi que par l’interaction avec la Suisse qui est un peu le « think tank » de la construction biosourcée française.

Jonas Tophoven

Cet article est extrait de Wood Surfer n°124 > Consulter la version numérique <