Si la ville de demain ne se fera pas entièrement en bois – et ce n’est absolument pas le but –, les bâtiments bas carbone et multiétages construits avec ce matériau pourraient permettre de résoudre à la fois le casse-tête de la nouvelle réglementation environnementale et le déficit de logements neufs qui est entré dans sa phase critique.
L’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation environnementale en janvier 2022 ouvre un nouveau chapitre pour la construction bois. Et le terrain est déjà préparé grâce notamment au travail réalisé depuis 2015 par Adivbois, l’Association pour le développement des immeubles à vivre en bois, qui réunit aménageurs et collectivités, maîtres d’ouvrage publics et privés, architectes designers, bureaux d’études, entreprises de construction… « Nous avons réussi à sortir de terre un grand nombre de projets de toutes tailles au point d’avoir obtenu la confiance de Paris 2024 pour la réalisation du village olympique, a rappelé Frank Mathis, président d’Adivbois, durant le Forum international Bois Construction qui s’est déroulé en juillet dernier à Paris. Beaucoup de choses concrètes se sont passées en finalement peu de temps. La prochaine étape c’est l’entrée dans la phase de massification. Tous les acteurs de la chaîne de valeurs de l’immobilier sont aujourd’hui concernés par les immeubles bois. » Si la commission technique de l’association a déjà avancé dans ses travaux pour lever les freins techniques, Adivbois a aussi pensé aux donneurs d’ordre en publiant deux vade-mecum – le premier à destination des maîtres d’ouvrage, le second pour des aménageurs et des collectivités. Téléchargeables sur le site adivbois.org, ils sont des outils permettant aux donneurs d’ordre de comprendre et de mettre en place des projets qui impliquent une toute nouvelle façon de penser la construction : la réversibilité, l’évolutivité, l’aménagement intérieur dans un nouveau cadre de vie…
« Les Piaules », place de la Nation à Paris. Cette surélévation de 5 étages en CLT, conçue par l’agence JBMN Architectes, abrite une auberge de jeunesse de 1 100 m2. Une architecture moderne et bas carbone qui s’intègre parfaitement dans le quartier haussmannien.
Photo : Jérôme Epaillard
Un contexte plus que favorable et des intervenants motivés
Le chantier s’annonce titanesque, surtout dans le secteur du logement neuf où les besoins sont énormes et la recherche de « solutions pour la ville durable et les bâtiments innovants » a été inscrite dans la stratégie du gouvernement avec des financements dédiés dans le cadre du plan France Relance (voir l’encadré). Mais on se rend compte que les maîtres d’ouvrage et les promoteurs n’ont pas attendu ces mesures pour saisir l’intérêt de la démarche, d’autant plus qu’ils ont en face des entreprises capables de construire en bois et en hauteur, ce qui n’était pas une évidence il y a quelques années. La création de filiales bois par plusieurs acteurs de la promotion immobilière est la preuve que l’idée de construire bas carbone signifie pour eux d’offrir un rôle de premier plan à ce matériau. « Les projets construction bois structurent le territoire autour du bas carbone d’abord sur l’amont avec l’idée de développer des unités de production dans le cadre de l’industrialisation de la filière bois. En ce qui concerne l’aval, ce mode constructif permet d’avoir une empreinte minimale sur le territoire avec l’objectif “zéro artificialisation nette” qui est liée au recyclage foncier », explique Anne Fraisse, directrice générale d’Urbain des Bois, filiale d’Icade Promotion. Côté bailleurs sociaux, l’argument environnemental est également important, et ceci à plusieurs titres. « La construction bois nous permet de répondre aux enjeux environnementaux à l’échelle globale du territoire, mais aussi au niveau local, notamment quand on densifie les quartiers des années 1950 à 1970, affirme Noémie Bernard, directrice de l’aménagement et de l’architecture chez Seqens. Par ailleurs, cela permet aussi d’améliorer les services pour nos locataires, en créant de meilleures conditions de vie du point de vue de la santé et du confort dans des logements de qualité. »
Paris 12e, 25 avenue de Saint-Mandé. Grâce à la préfabrication bois, 14 logements ont été créés dans un R+3 à l’intérieur d’un îlot des années 1970 sur un terrain difficile d’accès jugé inconstructible. Maître d’ouvrage : Gecina. Maître d’œuvre : Mars Architectes (75).
Photo : Charly Broyez
Peut mieux faire ?
Les propriétés du matériau bois en font certainement un composant clé de l’espace urbain de demain et plusieurs freins techniques ont déjà été levés pour le préparer à ce rôle, notamment dans le cadre de bâtiments multiétages. Selon la dernière enquête nationale de la construction bois, en 2020, dans un contexte de crise sanitaire liée à la Covid-19, 9 570 logements collectifs ont été construits en bois en France, ce qui représente 4,6 % de parts de marché. Les résultats de l’enquête pour l’exercice 2022 seront-ils meilleurs ? Affaire à suivre.
Anna Ader
Quelle ville pour demain ?
Lancé par le gouvernement en mai dernier, l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) « Démonstrateurs de la ville durable », doté de 300 M d’euros, vise la création d’un réseau national de démonstrateurs, à l’échelle d’îlots ou de quartiers, illustrant la diversité des enjeux de transition écologique. Ce programme, dont les réponses sont prévues en 3 vagues (septembre 2021, novembre 2021 et premier trimestre 2022), mobilisera plusieurs intervenants : collectivités locales, chercheurs, urbanistes, économistes, sociologues, industriels, associations et populations. Le but ? Mettre en œuvre les moyens nécessaires pour « (ré)inventer la ville et proposer de nouvelles voies permettant de reconstruire la ville sur la ville ».
Cet article est extrait de Wood Surfer n°123 > Consulter la version numérique <