Salle polyvalente, Le Poizat-Lalleyriat (01)

Maître d’œuvre
Mégard Architectes (01)

 

BET structure bois
Arborescence (69)

Bureau de contrôle
Alpes Contrôles

Parti architectural

La nouvelle salle polyvalente du Poizat-Lalleyriat, petite commune de l’Ain, a été conçue par l’agence Mégard Architectes. Ce projet démontre à nouveau que l’usage des bois locaux dans la construction est possible !

Photos et doc. : Mégard Architectes

La commune forestière du Poizat-Lalleyriat est une commune nouvelle de 730 habitants située à l’est du département de l’Ain, dans le massif du Jura, entre Nantua et Valserhône, à deux pas du mythique Plateau de Retord. Nichée dans un écrin de verdure, elle est née en 2016 de l’association des deux communes éponymes. L’ancienne salle communale située dans la commune de Lalleyriat, la plus importante des deux, a été fermée du fait de sa vétusté.

Le besoin s’est fait sentir de construire un bâtiment neuf de grande taille et plus en phase avec le défi climatique actuel. Afin de lancer le projet, la commune s’est tournée vers le CAUE, l’agence locale de l’énergie et du climat (ALEC) et l’association des communes forestières de l’Ain pour la rédaction d’un cahier des charges du nouvel équipement. Deux défis ont été proposés : construire un bâtiment passif en employant le bois de la forêt communale où l’on trouve du hêtre en grande quantité et de l’épicéa.

La sous-exploitation actuelle du hêtre, dont les gros diamètres sont utilisés principalement en bois de chauffage, pose aujourd’hui des problèmes aux futaies. Les volumes de hêtre augmentent et les forêts deviennent peu à peu mono-essence, perdant leurs résineux, ce qui met en péril la bio­diversité. (Re)trouver des usages dans la construction pour cette essence relancerait son exploitation dans la région. Quant à l’épicéa local, ses grosses grumes ont du mal à trouver preneur.

 Bardage en Douglas.
 Mur-rideau en poteaux BMR hêtre.
 La salle avec sa scène.

S’inspirer du paysage

Pour concevoir le projet, l’architecte Étienne Mégard a décidé de s’inspirer du paysage composé de belles forêts sur un site très montagneux. Pour le mettre en valeur, il propose une salle rectangulaire à ossature bois couverte par une toiture en charpente bois qui se projette avec élan vers les cimes. Fortement vitré pour profiter des vues sur ce paysage de montagne, le bâtiment est intégré au cœur du village. Il est en lien avec les bâtiments existants et notamment l’école et la chaufferie bois de la commune.

Cette dernière a été construite en 2005 et dispose d’une puissance de 100 kW. Alimentée avec des plaquettes forestières, elle en absorbe pas moins de 300 m3 par an, permettant ainsi de chauffer l’école, la mairie, et deux particuliers. Aujourd’hui, la nouvelle salle polyvalente y est aussi connectée. Par ailleurs, sur le toit de cette dernière, des panneaux photovoltaïques ont été mis en place pour compléter la production d’énergie. Le chauffage de la salle, à occupation intermittente, est donc assuré par la CTA via un échangeur à plaques. Le hêtre a trouvé sa place à l’intérieur de la construction.

Il a été utilisé pour les parements acoustiques en tasseaux, le parquet de la scène, le bar, et la porte d’entrée. Il a également été transformé en BMR pour les poteaux de la charpente bois et utilisé en planche pour les sous-faces des débords de toit. L’épicéa, disponible en plus grosse section dans la forêt communale, a été utilisé en structure, notamment pour les MOB. Tout ce bois a été fourni par la commune à l’entreprise de construction et son utilisation était donc une des conditions de l’appel d’offres.

Le hêtre a été précédemment qualifié et recensé. Les grumes de résineux ont été déposées « en bord de route » et l’entreprise devait s’associer à un scieur pour les valoriser. La seule entorse à l’utilisation de bois locaux porte sur le bardage en Douglas qui vient d’un fournisseur de l’entreprise de charpente bois.

 Plan du rez-de-chaussée.
 Coupe transversale.

Transmission d’une passion

Le projet pédagogique « Au fil du bois », proposé aux enfants de l’école communale Robert-Moretti, leur a permis de profiter de l’aventure pour faire connaissance avec la filière bois locale. Ils ont suivi l’évolution des travaux, de la phase de conception à celle de la réalisation, en découvrant les métiers liés à la gestion de la forêt avec l’ONF, ceux de la transformation en visitant la scierie Pépin chargée de l’usinage du hêtre, et ceux de la construction en se rendant dans les ateliers du charpentier bois Girod Moretti en charge du lot. Et pour visiter le chantier, il suffisait de traverser la cour !

Maître d’ouvrage : Commune du Poizat-Lalleyriat (01)
Maître d’œuvre : Mégard Architectes (01)
BET structure bois : Arborescence (69)
Bureau de contrôle : Alpes Contrôles

Programme

Surface : 320 m2 et 190 places assises
Budget : 760 000 € HT

Calendrier

Livraison : début 2023
Durée du chantier : 3 ans

Photos et doc. : Mégard Architectes
 

Étude et conception

Le BET lyonnais Arborescence a accompagné Mégard Architectes pendant les études et sur le mode de passation des bois de la forêt communale du Poizat-Lalleyriat aux entreprises.

Interface MOB/toiture.
Doc.: Girod Moretti
 
Axonométrie de la structure bois.
Doc. : Arborescence
 Sylvatest.
Photo : CBS
 

La salle polyvalente est fondée sur un réseau de semelles filantes. Celles-ci supportent en périmétrie de la construction des surbots béton de hauteur très variable du fait du nivellement très fluctuant du terrain. Les surbots sont isolés par l’extérieur et habillés d’une tôle métallique laquée. La charpente bois de l’équipement est divisée en trois zones qui correspondent aux éléments du programme : la salle avec sa grande portée, la scène et les locaux techniques avec un degré coupe-feu (CF) exigeant, et enfin les sanitaires et la cuisine pour les locaux humides. Elle est constituée de murs en ossature bois 45 x 145 mm en épicéa de la forêt communale du Poizat-Lalleyriat.

Le contreventement de l’ensemble est assuré par des croix de Saint-André en bois et en métal noyées dans les murs en ossature bois installés autour de la scène. La toiture de la grande salle comprend, elle, des arbalétriers 200 x 680 en BLC non local. De 13,27 m de portée, ils sont placés tous les 1,5 m et repris à leurs extrémités par les murs en ossature bois à l’aide de sabots avec ferrure en âme. Un réseau de pannelettes à chant 75 x 100 supporte ensuite les panneaux d’OSB et les voliges de la toiture zinc à joint debout. Pour utiliser les arbres de la forêt communale du Poizat-Lalleyriat, il a fallu caractériser les bois.

Pour le hêtre, des essais de qualification ont été réalisés par le BET Concept bois structure (CBS). Deux critères sont pris en compte. Le premier porte sur la masse volumique des bois. Pour la classe de résistance D24 exigée dans ce cas, elle doit être au minimum de 580 kg/m3 à 12 % d’humidité. Un relevé des pièces, une pesée, et un test d’humidité ont permis de déterminer qu’elle était en moyenne de 720 kg/m3 (soit équivalent à D60). Le second critère a été mesuré à l’aide d’un Sylvatest.

Il s’agit d’un contrôle non destructif qui mesure le temps de propagation d’ondes basses fréquences dans le bois. Celui-ci varie en fonction de l’essence et de la classe de résistance de l’échantillon testé. Pour D24, la valeur seuil à dépasser est de 3 980 m/s. Les quatre poteaux testés ont tous obtenu des résultats supérieurs (autour de 4 835 m/s).

Réalisation

Le charpentier Girod Moretti avait la charge du lot « charpente bois, bardage et couverture zinc ». De nombreux acteurs locaux ont participé à la première et à la deuxième transformation des bois issus de la forêt communale.

Photos : Mégard Architectes
 
 Les grumes d’épicéa.
 Sciage des grumes d’épicéa.

Le charpentier Girod Moretti a ses ateliers à Béard-Géovreissiat, commune de l’Ain à deux pas du lac de Nantua et à 10 km du chantier de la salle polyvalente. Il n’y a pas que le bois qui est local ! L’entreprise était associée à la scierie Monnet-Sève d’Outriaz (01) qui avait la charge de transformer les grumes d’épicéa fournies par le maître d’ouvrage en bord de route.

Cette essence a notamment été utilisée pour les murs ossature bois. Ils ont été préfabriqués en atelier, livrés par semi-remorque sur le chantier et mis en place grâce à une grue à tour mobile. L’isolation, les pare-pluie et pare-vapeur ont été posés sur site une fois la charpente montée. Le hêtre, quant à lui, a été transformé par la scierie Pépin située à Saint-Nizier-le-Bouchoux (01) et spécialisée dans le sciage des feuillus. Elle a travaillé pour le compte de la commune et a préparé des planches, des carrelets et des plateaux en fonction des ouvrages à réaliser.

Pour la deuxième transformation, les Menuiseries Philibert de Frans (01) ont fabriqué les portes et la scierie Bellaton de Mantenay-Montlin (01) a réalisé les lots de parquet. Le BLC de hêtre, matière première utilisée pour les poteaux présents en façade, a quant à lui été produit par la société Scierie et Lamellé La Bourguignonne basée à Saint-Germain-du-Bois (71).

 Réalisation de la charpente.
 Toiture en attente des panneaux d’OSB.
 

Volume de bois

Volume total bois : 110 m3, soit 0,33 m3/m2, dont 30 m3 de hêtre fourni par la commune
Essences : épicéa et hêtre pour la structure et le second œuvre ; Douglas pour le bardage

Logistique & délais

Matériel de levage utilisé sur le chantier : grue à tour mobile
Livraison : 2022

Entreprise

Gérant : Daniel Zarlenga
Chargé de projet : Camille Lemarchand

 

Le cahier a été réalisé par Bastien Lechevalier, architecte DPLG.

Cet article est extrait du numéro 133 du magazine Wood Surfer disponible sur Calameo.